Le fil conducteur

J’ai deux réveils-matin, un tactile et un sonore. À droite, Ti-Menou qui  me caresse la joue avec sa patte à gros pouce. À gauche, Jackie, la beauté canine qui  accorde son obsédante complainte à sa queue tirebouchonnée en battant la mesure tel un métronome. J’ouvre un œil et tout s’arrête. L’espoir renaît chez  les bêtes-enfants.
« Il y a espoir, peut-être, mais avant….déroulons le rebord », me murmure mon corps encore inerte.
J’entame ma routine quotidienne, machinalement. Quelques acrobaties mal chorégraphiées me servent de gymnastique, une brève colère contre l’ordi, lambin, me remémore que le temps  n’est pas une fiction. Omniprésentes, les bêtes sont au garde à vous  devant leur plat. Temps d’arrêt. Ciel! Quelle tête je fais. La barbe longue de cinq jours, manifestement mouchetée de gris, les griffes de lion, ces rides entre les yeux qui se creusent efficacement une tranchée et, en bonus, le front plaqué de rougeurs, conséquence visible de mon intolérance aux arachides. Bonjour la vie!
Mon image déformée par la rondeur du grille-pain me rappelle mon mantra matinal d’il n’y a pas si longtemps : « Esthète le jour, mais esti de lette le matin ». J’ai banni ces mots poignards  qui  aplatissent le moral et minent inutilement la confiance en soi. Je connais l’origine de mon malaise relié à mon histoire personnelle, mes empreintes familiales et les préjugés sociaux de mon adolescence. Je sais aussi que la légitimité d’être soi n’est pas gratuite et ne se fait pas sans heurts. Inconsciemment, en explorant mon style vestimentaire,  je cherchais ma place. Mais reconnaître son look ne garantit pas toujours de trouver son chemin, parlez-en au Petit Poucet.
En corrigeant mon propre regard sur moi et en m’immunisant contre l’opinion néfaste des autres, ma communication visuelle s’est clarifiée. Je reconnais maintenant que mes comportements vestimentaires me conduisent dans les mêmes excès et les mêmes modérations que mes comportements alimentaires. Ainsi donc j’habite mes vêtements avec la même conscience que j’habite mon corps, parfois intensément, par instants sans émotions ni sensations. Un vêtement seul n’existe pas. On doit lui donner vie, l’incarner, afin qu’il prenne la couleur de notre humeur et de notre personnalité. La parure, par je ne sais quel décret, a été isolée de l’ensemble de nos comportements humains et trop souvent jugée comme un phénomène dans une classe à part. Pourtant, n’y a-t-il pas un fil conducteur dans l’ensemble des sphères de notre vie et de nos comportements?
Suis-je ce que je porte? Sûrement! Je vêts bien!

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