La tenue retenue est bien vue. Vraiment?

retenue1Nous avons tous vécu cette expérience sur la route lorsqu’un conducteur impoli nous colle au derrière avec son bolide pour nous signifier de changer de voie. Certains baveux ajoutent même davantage de pression en klaxonnant ou en amplifiant leurs phares, question de nous intimider et de nous imposer leurs grossières méthodes persuasives. Deux choix s’offrent alors à nous : leur tenir tête en prenant tout notre temps pour nous déplacer, les laissant ainsi mariner dans leur char supersonique ou alors, en panique, apeurés presque, céder sous la tension et s’empresser de libérer la voie convoitée, leur concédant ainsi une forme de pouvoir.Nos comportements au volant se comparent à certains de nos comportements vestimentaires. J’utilise souvent la métaphore pour amener les gens à réaliser que leurs attitudes se répètent dans plus d’un domaine dans leur vie. Pour citer Aline Dagut de l’École Parisienne de la Gestalt, le vêtement est une dimension de soi, il parle de notre relation au monde.

 

En observant nos habitudes, nous réaliserons que nos comportements se répètent dans plusieurs sphères de notre vie, qu’ils se transfèrent comme s’il s’agissait de vases communicants. Nos forces, nos faiblesses, nos insécurités, notre tempérament, nos complexes, notre détermination, notre franc parlé, toutes les pièces qui forment ce que nous sommes se retrouvent aussi dans notre rapport à la nourriture, à la musique, à la littérature et bien évidemment à notre rapport au vêtement. Ce dernier n’est qu’un des éléments qui composent le fil d’Ariane de notre vie.

Dans l’exemple de la voiture, si vous laissez quelqu’un vous dicter votre conduite automobile, il y a de fortes chances que quelqu’un d’autre vous impose sa loi dans un autre secteur de votre vie. Par exemple, Anne-Sophie, 34 ans, s’abstient de porter un chandail avec une encolure en V en présence de sa mère qui trouve cela trop décolleté, aguichant, voire vulgaire. Anne-Sophie cède donc du terrain à sa mère pour lui plaire, éviter les discussions stériles et les commentaires désobligeants. Elle se prive de porter un vêtement qu’elle aime, sous la pression d’une tierce personne.

Lucille, 67 ans, vit à la campagne depuis sa retraite. Elle aimerait tant s’éclater dans le vêtement, «être plus folle», permissive. Son désir secret : porter de grandes crinolines, des mètres de tulle, comme un enfant qui se déguise, pour le plaisir, en jardinant. Mais…elle pense que son voisin la considère un peu bizarre. Afin de ne pas jeter de l’huile sur le feu, elle s’abstient alors et cède au regard (imaginaire peut-être) du voisin. Ce voisin est un ventriloque à qui elle donne la parole et à qui elle prête des intentions.

Marie-Paule, 56 ans, achète beaucoup, beaucoup de vêtements. Elle adore magasiner et surtout porter des vêtements neufs. Sa carrière va bon train et l’argent est au rendez-vous. Mais, après chaque achat, elle se sent dans l’obligation de justifier ses impulsions. Pourquoi ressent-elle de la culpabilité? À qui doit-elle rendre des comptes? À son père, défunt, qui la surveillait de près et qui la réprimandait sur ses nombreux achats. «Tant d’argent dépensé en guenille alors que des familles crèvent de faim» lui répétait-il. Encore aujourd’hui, elle boude son plaisir et se laisse dominer par la voix intérieure culpabilisante.

Alors, qui tire profit de nos tenues retenues si ce ne sont les autres?

Ces autres qui nous transfèrent leurs malaises nous imposent leurs insécurités et leurs valeurs. Jusqu’à quel point l’opinion, le jugement et le manque d’ouverture de l’autre nous limitent-ils dans vos choix vestimentaires? Beaucoup plus que nous le croyons. De là toute la différence entre «porter» et «subir» un vêtement. Porter un vêtement, l’habiter, met en valeur nos atouts et nos traits de personnalités alors que porter une tenue imposée nous écrase, annule nos forces et nous brime dans notre créativité.
Qu’est-ce qui est le plus exigeant, choisir une tenue ou s’inquiéter à savoir si elle plaira? Qu’est-ce que le confort si ce n’est l’absence de jugement et de commentaires sur nos choix vestimentaires davantage que sur la coupe d’un vêtement?

Débeiger
Dans mes conférences et dans mon atelier «Je vêts bien», j’utilise cette expression : débeiger, c’est-à-dire, sortez du beige, du neutre, du consensus mou. Autrement dit, déballez-vous, déblayez, débloquez, décadenassez ce qui vous retient et osez être qui vous êtes. Ne plus être le pantin de l’autre.

Cela est un cheminement bien particulier : celui de prendre le vêtement à témoin pour vous observer, vous découvrir et dénouer les secrets de vos vieilles habitudes pour enfin laisser place à plus de légèreté dans votre rapport aux apparences. En développant votre sensibilité face au lien que vous entretenez avec le vêtement et votre vigilance face à vos faits et gestes «vestimentaires», les réponses à vos questions sur le sujet devraient jaillir d’elles-mêmes. Les conseils et les trucs des conseillers vestimentaires deviendront secondaires. Les changements, sans être drastiques, s’effectueront graduellement.

Si vous vous faites confiance, petit à petit, votre signature vestimentaire s’affirmera. Votre style vous précédera et le vêtement vous portera, et non l’inverse. Vous constaterez à quel point vos fausses croyances s’inclineront devant votre aisance à expérimenter votre potentiel, et les doutes sur vos capacités esthétiques s’évanouiront. Votre langage visuel s’accordera à votre langage verbal et créera ainsi une cohérence et un équilibre.

Terminés les affolements devant la garde-robe et l’effroi de ne pas être à la hauteur des exigences des autres avec vos vêtements. Vous déciderez maintenant, en toute quiétude, ce qui correspond à vos états d’âme. Jongler avec ses émotions, ses sentiments et le vêtement est un ménage à trois conciliable. Malgré les écueils, ne cessez pas d’expérimenter la place du vêtement dans votre vie, cet ambassadeur qui vous mettra en lumière.

Voir mes articles sur le Huffington Post

Photo: www.wallup.net

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