Alice au pays des corbeilles

Les décorateurs et les stylistes en aménagement intérieur ne sauraient faire mieux. Le placard d’Alice Major mérite une mention d’honneur. Boîtes décoratives qui s’emboîtent comme des poupées gigognes, paniers en osier, étagères à chaussures, tout s’harmonise parfaitement. Une place pour chaque chose, chaque chose à sa place. Autant d’ordre la réconforte, l’apaise et contraste avec sa carrière plutôt chaotique. Contrairement à ses amies, Alice ne prend aucune résolution à Noël mais plutôt à Pâques. L’approche du printemps l’inspire et le goût du grand nettoyage de sa penderie se manifeste immanquablement à la même période. Avec tout son sens de l’organisation, on parle plus de dépoussiérage que de ménage.

À chaque fois, ses démons viennent la hanter. Les « il faudrait bien que je me débarrasse de ceci », « je devrais donner cela » et les  « bon pour la poubelle! » refont surface. Le questionnement est de courte durée puisque madame « finalement je garde tout » ne peut se résigner à élaguer son walk-in. Tout un pan de son histoire est scellé dans ses petits contenants et ses housses à vêtements. Elle remballe les squelettes de son placard en se promettant de faire un effort à l’avenir  pour diversifier ses tenues. Mais elle retombe à chaque fois dans les mêmes ornières et son style morne correspond à sa peur du risque.

Voyage au bout de la penderie
Pourquoi un tel attachement à ses choses? Que cache son sanctuaire vestimentaire? Des secrets de famille,  des mystères, de la honte, de la pudeur? Quels sont ces freins intérieurs qui la dominent et l’empêchent de franchir une étape afin de progresser dans une démarche stylistique? En sécurisant le placard elle se sécurise elle-même contre les assauts de l’extérieur.

Ses relations amicales sont aussi compartimentées. Pierrot pour le théâtre, Mireille pour la raquette, Sonia pour les restos et Linda pour le périple annuel en Floride. À l’image de sa méthode de classement, sa routine de vie est réglée au quart de tour. Alice est consciente qu’aérer la penderie entraînerait une nouvelle perspective, un recul bénéfique mais sa résistance à éliminer des vêtements est à la hauteur des fausses croyances qu’elle entretient à son égard. Jeter ses kit correspondrait-il à jeter ses malaises? Seraient-ce ses angoisses qu’elle enveloppe dans des papiers de soie?  Plus de permissivité dans son look et de détachement envers sa caverne à trésors l’amèneraient vers plus de spontanéité dans sa vie sociale et professionnelle, plus d’ouverture à l’imprévu et à la nouveauté.

Qu’est-ce qui fait défaut? Le design intérieur de la penderie ou « l’incertain » intérieur de l’humain qui range ses émotions et ses sentiments avec ses étoffes, ses chaussettes et ses breloques?