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PERSÉVÉRER

« Il faudrait bien que ça change… », entend-on souvent de la bouche d’une personne à qui il manque un coup de pouce pour passer à l’action. Qui n’a pas été aux prises avec une décision à prendre pour améliorer sa santé, sa qualité de vie ou corriger une mauvaise habitude?  Qu’est-ce qui nous pousse à agir et quels sont les facteurs qui nous encouragent à persister ou à abandonner nos résolutions? Je ne suis pas un maître en la matière, ni psychologue, ni thérapeute, ni coach, mais je peux vous parler de mon histoire.

Je suis un ancien alcoolique toxicomane qui est sobre depuis 34 ans et qui se bat aujourd’hui avec ses excès de nourriture. Se saouler dans le sport, la nourriture, le travail, le sexe, la drogue et la boisson apaise les tensions intérieures… pour un temps limité,  jusqu’à la prochaine crise déguisée en faux besoin. Comprendre que toute forme d’excès est synonyme d’ivresse et faire face à son ombre est déstabilisant. La route à emprunter pour aller vers la lumière semble insurmontable jusqu’au jour où se mentir à soi nous empoisonne la vie … et le corps. Transformer le vinaigre en miel est un long travail sur soi. D’abord accepter son impuissance face à la situation, assumer ses failles et reconnaître que nos atouts n’ont pas été effacés par les abus, mais attendent de reprendre vie. Développer de la bienveillance à notre égard est essentiel pour y arriver.

Le rétablissement est jalonné de hauts et de bas, d’histoires qu’on se raconte et de scénarios qui n’existent que dans nos pensées. Parfois même on pense que la vie nous récompensera pour notre bonne action. Mais on comprend vite que la vie ne nous doit rien et que rien ne fonctionne au mérite.

UN DÉCLENCHEUR

Y a-t-il un déclencheur, une alarme qui sonne et qui nous avise d’un danger éminent si on ne bouge pas? Pas toujours. Parfois, les astres s’alignent et l’occasion de se prendre en main se présente sur un plateau. Mais au préalable, une réflexion en profondeur a été faite et le bon «timing» ne fait que donner le signal de départ et on saute dans un train en marche.

En toute honnêteté, je pense que la chance y joue pour quelque chose. Une forme de grâce qui nous est accordée. Oui bien sûr il faut y mettre les efforts. «Pour transformer notre vie, il faut transformer nos pratiques». Stéphane Leblanc, Académie du leadership conscient. Personnellement, je ne crois pas au simple pouvoir de la vertu pour renverser une situation. Le fruit doit-être mûr. Les choses changent quand elles sont mûres, mais elles mûrissent plus vite quand on les éclaire». Pierre Foglia.

Autant devons-nous nous informer pour mieux comprendre nos comportements vestimentaires, alimentaires, littéraires et sportifs, autant devons-nous scruter notre mode de fonctionnement face à nous-mêmes et entreprendre l’éducation de notre soi. Mais cela ne règle pas tout. Comment se fait-il que j’offre autant de résistance face à l’exercice physique et une hygiène de vie plus équilibrée alors que j’ai réussi à vaincre l’alcoolisme, la toxicomanie et la cigarette? Comment évaluer les degrés de la motivation? Selon l’importance du domaine à améliorer? Les bienfaits obtenus? Craindre le pire si aucune action n’est prise?

ABANDONNER

Pourquoi certains y arrivent-ils alors que d’autres échouent? En partie à cause de la pression personnelle qu’on s’impose et cette pression est grandement alimentée par les thèmes phares de notre société. Par exemple, l’instantanéité qui nous pousse à vouloir obtenir des résultats fracassants dans un temps record et qui mène au découragement. Pour cela, nos objectifs doivent être réalisables et en lien avec nos limites. Pourquoi être soudainement en URGENCE après une longue période d’inertie?

Se comparer aux meilleurs et souhaiter être «le best» n’est pas nécessairement un objectif positif. Le succès des uns est la défaite des autres. Si notre démarche se transforme en compétition, nous perdrons de vue les raisons pour lesquelles nous l’avons entreprise et devrons admettre que le regard de l’autre occupe une trop grande place dans nos actions.

L’obsession du temps dans notre société est un autre thème qui peut nous piéger. Il faut du temps, parfois beaucoup de temps pour apprécier une amélioration dans nos nouvelles habitudes. Nous sommes à ce point régi par le temps que nous en avons perdu le sens. La patience est un art qui se développe (mais qui m’a échappé…). Mais le temps suit son cours et on ne peut rivaliser avec les images de perfection qui nous envahissent même si on les sait éphémères. Les primes à la beauté, à la jeunesse, à la vitalité éternelle et à la sexualité exaltée sont bien connues, mais les trucs mercantiles et le matraquage médiatique employés par le marketing pour y accéder sont parfois douteux. La tentation d’y succomber est forte. Oh mirage!

LE COURAGE

Quant au courage à qui on accorde un pouvoir surfait dans la réussite d’une démarche, je ne sais trop quoi en penser. La peur de mourir, de souffrir, de la maladie et l’angoisse de tout perdre ne sont pas du courage, mais une réalité à laquelle tôt ou tard il faut s’attaquer.

LES EFFETS

Faire face à la musique tout en expérimentant de nouveaux comportements et de nouvelles habitudes peut créer des remous chez soi et chez ceux qui nous entourent, mais les bienfaits irradient sur une large zone de notre cercle familial et social. En soignant notre corps et en guérissant notre tête, nous devenons à notre insu une source d’inspiration pour celles et ceux qui doutent encore de leur condition d’humain.

Luc Breton


LES RÉSISTANCES AUX CHANGEMENTS

L’être humain est une créature complexe et son corps une machine au potentiel immense. Bien se nourrir, bouger, se reposer, dormir est essentiels à l’équilibre de l’humain. Mais encore! Ce beau discours est de la rhétorique et résonne à nos oreilles comme une vieille publicité qu’on entend à la télé sans vraiment l’écouter.

LA FACE CACHÉE DE NOS RÉSISTANCES AUX CHANGEMENTS

Nous écoutons davantage nos petites voix assassines qui tentent de nous dissuader de passer à l’action que le discours sur la santé et le bien-être physique. Le rapport à l’exercice et au sport selon moi se rapproche beaucoup du rapport que nous entretenons avec le vêtement. Pourquoi? Parce que ce que nous sommes intrinsèquement se reflète dans plusieurs domaines de notre vie.

Je m’explique. Les peurs (du ridicule, de ne pas être à la hauteur, de ne pas réussir, de moins bien performer que les autres), les fausses croyances (je n’ai pas de talent pour le sport, mon âge, mon poids, il est trop tard pour commencer, je ne trouve pas de vêtements qui me conviennent) et en tête de liste, l’importance accordée au regard de l’autre (que trop souvent nous refusons d’admettre et pourtant qui affecte nos décisions). Tous ces facteurs peuvent ralentir nos élans vers l’exploration d’un style vestimentaire comme ils peuvent aussi retarder notre décision de s’inscrire à un groupe pratiquant un exercice physique.

Conséquences : nous nous imposons alors des interdits, notre gendarme intérieur nous éloigne de notre bien-être physique et ces résistances sont une entrave à une vie épanouie.

L’ÂGE

J’ai 67 ans, toutes mes dents. Dans le cadre de mon travail, j’ai beaucoup réfléchi à l’impact de l’âge dans ma vie et dans celle des gens de ma génération. La documentation sur «prendre de l’âge», vieillir, avancer en âge, est abondante mais comment tout cela se manifeste-t-il de l’intérieur? Je n’ai pas vu mon corps vieillir, trop occupé que j’étais. Et vlan! Comme par enchantement, un jour, je suis chauve, bedonnant et grisonnant. Je n’ai jamais pratiqué un sport assidûment ou si peu. Je déteste la plupart des sports. Pourquoi aurais-je fait de l’exercice? Hyperactif, système digestif à son meilleur, mince comme un fil jusqu’à l’âge de 55 ans, pourquoi m’embarrasser de cette humiliation d’aller transpirer en public et de faire le cancre avec mon manque de flexibilité et de dextérité? Et tout à changer, vous imaginez la suite.

BIEN DANS SON CORPS, BIEN DANS SON ÂGE

J’entends souvent dans mes ateliers l’importance du confort dans le choix d’un vêtement. Je pense que le sens du confort doit être élargi. Confortable dans son corps, dans son âge, dans ses décisions, dans sa tête.

Pour concilier mon corps et mon âge, j’ai dû, comme beaucoup d’entre vous, faire des deuils et me redéfinir. Se définir n’est pas banal mais se redéfinir ne l’est pas moins. La coquetterie, la séduction, le charme, la sexualité ne disparaissent pas avec l’âge. Ils s’expriment et se vivent autrement.

CE QUE MON CORPS M’ENSEIGNE

Mon corps m’a enseigné la tolérance à mon égard, il a su mettre un frein à mes mauvaises habitudes sans quoi….

Grâce à mon corps, j’ai compris que mes hésitations, mes doutes, mes retenues face à l’exercice physique ne me mèneraient nulle part et qu’être volontaire et consentant à un meilleur régime de vie serait bénéfique non seulement pour ma personne, mais aussi pour ceux qui m’entourent.

Mon corps m’a enseigné que je ne suis pas qu’un ventre, une calvitie, des rides, un âge. Je n’ai pas moins de valeur à cause de mes modifications physiques, j’ai plus conscience des forces qui m’habitent.

Mais ces forces, pour les apprécier et en jouir, doivent être oxygénées sans quoi elles risquent de s’atténuer sans l’aide d’un corps en santé. Ainsi fonctionnent les vases communicants dans une forme de logique bien orchestrée jusqu’à ce qu’un écueil entrave le mouvement. Et ce mouvement bien souvent est ralenti par nos résistances à aller de l’avant.

Luc Breton


VIEILLIR SANS DEVENIR VIEUX

Où étiez-vous mardi et mercredi derniers? Difficile de répondre instantanément et avec exactitude à cette question me direz-vous. Vous avez vu passer l’été? Évidemment, comment oublier cette vague de chaleur. Mais plus précisément, comment avez-vous occupé la période du 17 juin au 9 août? Ouf! Laissez-moi réfléchir rétorquerez-vous tout en vous demandant si votre mémoire fait défaut. Et l’an passé, il y a 5 ans, 15 ans, comment se portait votre vie? Et ainsi de suite les années, accompagnées de nombreuses tribulations, se sont enfilées les unes après les autres à la vitesse grand V nous semble-t-il. Heureusement que certains événements ont ponctué des périodes précises de notre existence sinon elle se serait déroulée comme un film visionné en accéléré.

Misère! Mais à quoi ai-je occupé tout ce temps qui s’est écoulé entre deux battements de cils? Me voilà en prévieillesse, dubitatif devant la suite des choses, m’interrogeant sur le regard que je porte sur mon âge.

«COMMENT VIEILLIR SANS DEVENIR VIEUX?»

Voilà la genèse du dernier livre de Michel Drucker, l’animateur de «Vivement dimanche» en France : «Il faut du temps pour rester jeune» (Robert Lafond). Âgé de 76 ans, le célèbre intervieweur français a lui aussi été frappé par la vague de fond du jeunisme et a été remercié à cause de son âge il y a 2 ans. Victime du «dégagisme» (dégage mon oncle!), on l’a finalement ramené à l’antenne afin de stabiliser les cotes d’écoute.

N’est pas Michel Drucker qui veut cependant. Ce dernier s’impose un régime de vie très stricte digne d’un athlète olympique pour garder la forme et «la jeunesse» et… son emploi. Et c’est là où j’en suis dans mon questionnement. Comment trouver l’équilibre dans tous ces messages et toutes ces informations qui nous parviennent pour «vieillir» en santé, en beauté, dans la joie, la sérénité, la sexualité épanouie et en grands-parents dévoués. Aussi faut-il rester informés, suivre l’actualité, avoir une opinion et bien manger. Comment puis-je me dissocier de mon âge avec tous ces magazines, publications, blogues et statistiques qui nous courtisent, moi et ma génération du «silver money»? Tout cela n’arrêtera pas le temps. Rien n’arrêtera le temps.

Y a-t-il une vieillesse et une prévieillesse à géométrie variable? Je m’explique.

Je vois autour de moi trois clans de personnes âgées de 55 ans et plus.

  1. Les hyper actifs à l’horaire de premier ministre, à l’agenda rempli avec qui il faut prendre des rendez-vous un mois à l’avance pour se rencontrer, qui s’inscrivent à des cours de culture générale et qui cuisinent l’automne des quantités phénoménales de pots de conserves en prévision d’une guerre atomique.
  2. État d’esprit : Pas question de gaspiller une seule minute de ce précieux temps qu’il nous reste sur terre.
  • Les modérés, conscients qu’il faut bouger pour aider son corps et son esprit à garder le rythme, mais qui souffrent d’irrégularités dans leurs actions. Ils remettent à demain l’exercice physique, la marche, le jardinage. Les «ici, maintenant» de l’âge d’or qui croit qu’à elle seule la pensée positive guérira tous les maux.

État d’esprit : Ne me poussez pas dans le dos !

  •  Ceux qui avancent à reculons dans le vieillissement, qui subissent le temps et les affres de l’âge comme une fatalité, une évidence et qui baissent les bras devant l’effort prétextant qu’ils ont assez donné dans le passé. Leur santé physique et mentale est en porte-à-faux face au temps qui s’écoule.

État d’esprit : Rien ne sert de se battre avec l’âge. La vie suit son cours.

On ne danse pas tous sur le même pied, mais certaines peurs sont communes aux trois clans, ces peurs hélicoptères (expression empruntée à La Presse+, 20 août 2018) qui planent au-dessus de nos têtes : la maladie, la souffrance physique, la démence, l’abandon dans un quelconque centre pour vieux, l’aide à mourir. Ma marraine, née le même jour que moi, 20 ans plus tôt, est décédée à 67 ans, mon âge actuel, d’une forme d’Alzheimer précoce. Je ne suis pas sans me questionner sur le sujet d’autant plus que ma mère est aussi décédée de la maladie d’Alzheimer.

Je ne me suis pas senti vieillir, je n’ai pas pris le temps, mais je vois et j’entends mon âge. Ma cheville flanche, mon genou craque, mon front plaque. Les photos de mes 30 et 40 ans ne mentent pas. Quelle gueule je faisais!

Mais comme l’écrit si bien Michel Drucker, «la vie reste à venir». Quelle gueule je ferai!

Luc Breton