Une fois n’est pas costume

Ma marraine, qualifiée de vieille fille à l’époque parce que toujours sans mari à l’âge de 27 ans, me transférait son trop plein d’amour maternel et toutes les occasions étaient bonnes pour me manifester son affection. L’Halloween ne faisait pas exception. Quel beau petit lapin je faisais! Ignorait-elle que la communauté lapinière est le symbole de la promiscuité? Peu importe. Je me souviens surtout à quel point j’étais agité et que ma mère devait assister ma tante pour m’enfiler le costume. Menu et frêle du haut de mes sept ans, elles devaient bourrer mon personnage animalier de guenilles pour créer l’impression d’un beau gros lapin dodu au ventre rond. Souvenirs, souvenirs. Quel beau gros lapin je ferais aujourd’hui sans l’aide de bourrure!
Dans mon village barricadé dans les montagnes, peu d’éclairage et de pollution lumineuse. Seulement le vent qui pousse les feuilles mortes au sol et des monstres, beaucoup de fantômes, des sorcières, quelques cow-boys et des princesses couronnées qui quêtent des friandises dans les deux seules rues du bled. Costumes de fortune et accoutrements fabriqués par des mères au foyer aux multiples talents de styliste, couturière et costumière. Nos références étaient limitées, la télé en noir et blanc nous offrait deux ou trois postes, le journal régional couvrait les drames locaux et le catalogue Sears était la base de nos fantasmes. Pas de Ben Laden, de Spiderman ou de Mickael Jackson. Pas de concours du plus beau costume, pas de lames de rasoir dans les pommes, pas de caméras numériques, de vidéos ou de cellulaires pour les souvenirs. Que des adultes qui jouent leur ombre et des enfants qui s’éclatent, se transforment.
Les personnages de circonstance prenaient donc leur inspiration essentiellement dans la comédie humaine. Des avaricieux déguisés en big shot, des homophobes travestis en femme, des magouilleurs en curés et des pédophiles en matou  ronronnant. Était-ce la chance d’être quelqu’un d’autre ou l’occasion rêvée d’être soi-même? Une façon d’habiter nos héros ou d’affronter nos démons? Si l’habit ne faisait pas le moine, du moins l’occasion faisait le larron. Show time!
Ma citrouille en plastique à la main, le petit lapin que j’incarne se lance dans la nuit noire, encadré par Zoro, mon frère aîné et Calamity Jane, ma sœur cadette. Un scoop, la bonne femme Grelot donne des biscuits faits maison. Il y a une file d’attente. Plus sympathique que le vieux Thomson qui distribue aux figurants de la soirée les croquettes de son chien. Le même maudit chien qui a arraché ma belle queue de lapin. Entre les deux pourvoyeurs de bonbons, Joe Leblanc, qu’on aperçoit à sa fenêtre de côté malgré les lumières éteintes, feint d’être absent de la maison. Il regarde passer la parade sans s’impliquer. Scénario qu’il reproduit dans les autres domaines de sa vie.

Cette année, serez-vous halloyin ou halloyang?


Le SAC

Le thème est récurent et la situation est stagnante. La qualité du SAC (service à la clientèle) est au point mort depuis au moins une décennie à Montréal. Entre « extraordinaire » équivalant à un 10, et « exécrable » valant un beau 0, quelle note donnez-vous à vos expériences de shopping? Je me suis penché sur le sujet.
La plupart des propriétaires de boutiques me jurent avoir donné la meilleure formation de vente à leur personnel. Le conseiller en vente ou l’associé, lui, précise ne pas pouvoir appliquer pleinement ses notions de service. Selon les vendeurs, la pression des gérants pour qui atteindre les objectifs financiers est plus important que de faire plaisir à tout un chacun, transformerait l’art de la vente en duel. Finalement, le consommateur pour qui le temps de magasinage est calculé, est pris en otage entre les deux et ne demande qu’à dépenser son argent dans un climat de paix et de confiance.
Au champ droit, le client; au champ gauche, le vendeur. Lequel des deux marquera le plus de points? Faites vos jeux.

CLIENT : « Les vendeurs sont indifférents, distants, ne s’intéressent pas aux clients, connaissent mal leur marchandise. »
VENDEUR : « Trop près du client, on l’énerve ; trop loin, on le néglige. Il désire qu’on s’en occupe, juste assez, pas trop. Il faut respecter sa bulle, le laisser aller, le saluer mais ne pas trop lui parler. Quand il est prêt, on doit rebondir comme des kangourous pour le servir. »

CLIENT: « Les besoins des consommateurs sont mal évalués. »
VENDEUR: « Les clients ont la mèche courte, sont impatients, stressés, parfois impolis et ne savent pas ce qu’ils veulent».

CLIENT : « Leur phrasé est affligeant, leurs arguments éculés et leur culture générale déficiente. Le tutoiement est déplacé et irritant.»
VENDEUR : « Franchement ! What the fuck… !»

CONSTATS
1. Le client n’est pas un concept. C’est une masse d’émotions et de sentiments qui donne l’impression qu’il sait où il va alors qu’il est plutôt porté par son impulsion et sa passion, convaincu qu’il baigne dans le rationnel.
2. Certains vendeurs ne considèrent pas la vente comme une carrière. Ils le font « en attendant ». Il applique dans ce travail les principes même de la société actuelle : instantanéité, rapidité, moi d’abord.
3. Nous avons une mauvaise perception du service et avons tendance à ne retenir que les mauvaises rencontres. Toute une génération de vendeurs est professionnelle, passionnée et amusante et pour une expérience magasinage sans pareille, demandez à une styliste de vous accompagner.

Bon shopping !


Dans la farce de l’âge

Pour une rare fois, je suis le plus jeune d’un groupe. Mes voisins à la campagne ont entre 76 et 83 ans, vivent encore dans leur maison, font les courses, conduisent leur voiture et voyagent. Les projets se succèdent. Prenez un numéro, les agendas débordent.
Clémence, la cadette du groupe,  a déjà publié un premier recueil à 74 ans et planche sur son deuxième : un sujet tabou vu par une septuagénaire. Rédactrice et relationniste de profession, les mots, les phrases et le style littéraire meublent son univers. Je la surnomme Bella parce qu’elle porte la grâce des muses et l’élégance des belles de ce monde. Son teint basané accentué par sa chevelure plus que blanche me rappelle les italiennes du nord. « Mon p’tit Luc, quand écriras-tu ton livre? »; « Mon cher Luc, pourrais-je te lire avant ma mort? »; « Chéri, envoies-moi tes textes. »
Marie-Laure, la doyenne, plutôt rebelle et très créative, fume à la cachette pour éviter que ses amis la dénoncent au médecin. Prétextant une mémoire qui flanche, elle se dit obligée de retourner à l’épicerie quatre fois par jour et utilise son alibi pour griller une cloque. Je la soupçonne d’un passé extravagant et de romances hollywoodiennes. Glamour avant la lettre, je reconnais ses influences à la Greta Garbo et sa voix de fumeuse à la Jeanne Moreau. Elle nous attend anytime, scotch à la main pour une partie de bridge. Elle triche!
Mimi, l’énervée, est une vraie bombe. Atomique! Elle déjeune aux gâteaux au caramel Vachon,  trempés nonchalamment dans un bon café instantané Nescafé, double sucre. Elle a TOUJOURS raison. Plus d’une fois elle est partie avec la voiture de Marie-Laure qu’elle confondait avec la sienne à cause de la couleur. Pas de jeux de société pour elle. Ses passe-temps : le VTT de montagne l’été et la motoneige sur les lacs l’hiver. Puisque plus personne ne voulait l’accompagner, elle s’est munie d’un GPS qu’elle fera fonctionner un jour. À la limite d’une taille de lilliputienne, elle réussit grâce à son sens esthétique inné et malgré ses modestes moyens à être lookée  au goût du jour.
Tom, 80 ans bien sonnés, c’est l’homme, le dépanneur de ces dames. Une galerie à redresser pour l’une, un tuyau à colmater pour l’autre ou encore une famille d’écureuils à déloger de l’entre toit de sa jeune copine de 62 ans. Droit comme un piquet, mince comme un clou à finir, c’est au magasin Le Château qu’il renoue avec ses looks soixantehuitards.
Ici, dans mon cercle, on ne supporte pas de « ma belle p’tite madame » ou de « mon p’tit monsieur » qui infantilisent. Pas de tribunal du vieillissement, de la varice ou de la prostate. Pas de moyen-âge, ramone-âge, maquille-âge, sabot-âge ou truc-âge.
« Qu’est-ce qui fait donc chanter les p’tits vieillards? » Certainement pas  les petits pouding Laura Secord !


Image 101

Les bouquins sur l’Image sont légion : Comment valoriser son Image, l’Image de soi, Apprendre à aimer son image, l’image corporative, corporelle, personnelle, visuelle, sensorielle etc. Et que dire de tous ces coachs, gourous de la communication et faiseurs d’image qui nous proposent des théories et des pistes sur le sujet.

Ciel! Par où commencer? Par le commencement, dirait ma mentor. Pour faire la paix avec son Image et avant d’en finir avec ce thème, il faut d’abord comprendre vos origines.  Cela suppose un retour sur votre histoire personnelle, votre éducation et votre culture. Dans votre enfance, aviez-vous le rôle de la princesse chérie et adulée de papa, celui du sans dessein de service de la soeur aînée ou celui du souffre-douleur du voisin? Quelle perception de vous-même avez-vous enregistrée à la suite de certains évènements?

Comment se manifestaient les projets de vie de vos parents? Par la performance, la réussite, en étant les meilleurs ou au contraire, en faisant le moins de vagues possible, en s’effaçant pour ne pas être remarqués et encore moins être montrés du doigt. Le p’tit pain, quoi!
Dans votre milieu, le vêtement et l’apparence étaient-ils un support à l’ambition des gens ou était-ce un sujet tabou? De là peut-être la naissance de vos résistances et de vos croyances bonnes ou fausses quant à votre image.

Mais aujourd’hui, comment vous sentez-vous, ici, maintenant, en lisant mon article?
1. Au diable les apparences! Vous n’avez aucun intérêt pour votre image, les gens n’ont qu’à vous aimer comme vous êtes!
2. Vous êtes impeccable, parfait  sur toute la ligne, un tantinet obsédé. Le rapport à son image dans ces deux cas est déficient. Manque d’amour de soi d’un côté (Je n’en vaux pas la peine) et manque de confiance en soi dans l’autre (en étant irréprochable, full contrôle, j’apaise mon anxiété). Entre ces deux extrêmes, il y a vous, moi, vos collègues. Nous sommes porteurs jusqu’à un certain point de ces deux limites. Qui aime vraiment son image? Peu de gens. Êtes-vous bienveillants et indulgents à vos yeux ou plutôt critiques et sévères? Dans quelles situations de votre vie la perception de vous-même a-t-elle le plus de répercussions? Pour rencontrer un amoureux? Pour vous faire de nouveaux amis? En pratiquant les sports, dans les réunions de famille, dans les soirées mondaines? Et le bureau? Promotion, compétition et rétrogradation sont si vite arrivées.
Puisque votre rêve ultime est d’aimer votre image tout en étant vous-mêmes, voici quelques trucs avant d’entreprendre une démarche sur l’image.
1. En définir les raisons profondes (qu’est-ce que cela changera dans votre vie).
2. Viser le possible (et non l’impossible).
3. Évaluer l’importance du regard des autres à votre égard. Êtes-vous DARA (dépendant au regard des autres) ou simplement soucieux de votre image comme les LOA (libéré de l’opinion des autres)?
4. Vous inscrire à mon atelier Pour en finir avec l’Image offert en octobre prochain.


Kit ou double

Mes vacances? Un véritable safari photos en Italie. Vous pensez que l’anglais est la langue des voyageurs? Sûrement, mais je crois aussi que le vêtement et ses multiples possibilités de looks est une communication tout aussi efficace. Cette conversation, plutôt visuelle, me piste sur la nature des gens. Sommes-nous, honnêtement, si différents en voyage que nous le sommes dans notre quotidien? Plus de légèreté, moins de stress, mais encore?  Voici mes meilleurs clichés.

Les beautés désemparées.
C’est surtout  en Toscane dans les petits villages que j’ai découvert les spécimens les plus colorés, stéréotypés. Que font dans des sentiers de montagne en robe cocktail une mère de quarante ans et ses deux filles, montées sur des talons aiguilles râpés par les pierres? Rencontrer un beau Marcello ou un charmant Giovanni?

Wonder woman
À quoi pense cette touriste qui force en vélo, sans casque protecteur et insuffisamment protégée du soleil en pleine canicule? Ne sait-elle pas que les Marcello roulent à 150 km/h? Peu importe, elle pourra accrocher dans son bureau une autre photo témoignant de sa détermination et joindra les rangs des groopies qui carburent aux tendances des gagnants.

Tintin au Tibet
Monsieur « sait tout », francophone fonctionnaire à Ottawa pour qui le rêve d’être historien c’est évanoui, remarque notre accent québécois et pavoise,  espérant nous convaincre d’escalader la tour au pied de laquelle nous dévorons un autre gelato. Pantalons courts remontés jusqu’aux pectoraux, chaussettes pure laine étirées aux genoux, bottes de marche en cuir et pour couronner autant de savoir, le chapeau Tilley, gage d’authenticité des purs et durs du voyage.

Compostelle à la puissance dix.
Podomètre à la taille, bâton de pèlerin à la main droite, montre multifonctionnelle au poignet gauche, chaussures high tech, combinaison de ski de fond à 40o C, l’heure est grave. Ce Britannique visite, que dis-je,  s’entraîne en vacance dans la région. Contrairement aux  ados souvent coincés dans leurs tenues, mon spécimen est coincé dans son corps. L’épuisement et les douleurs musculaires se lisent sur son visage. Une image vaut mille maux.

Hercule Poirot, Maria Callas, Jimi Hendrix, Hemingway et Madonna se sont aussi croisés sous le soleil de la Toscane. Et vous, quel personnage vous habite en voyage ?


Mon mais préféré

Elles sont cinq femmes entre 25 et 65 ans, assises en rond autour de la table et échangent à voix basse en attendant que débute l’atelier sur les comportements vestimentaires. Qui dit vêtement, dit look, style, questionnement et incertitude. La plupart des femmes pensent que les autres femmes savent s’habiller sauf elles. Beaucoup ont aussi une mauvaise perception de leur corps et peu d’affection pour leur silhouette. J’ouvre donc le débat avec mes participantes: « Dans quelles occasions précises souhaitez-vous être mieux dans votre peau? »

Mila casse la glace : « En présence de ma sœur aînée, je perds tous mes moyens. Pour ne pas la blesser ou lui faire ombrage, je m’habille sans éclat, je m’invalide ». Ariane prend la relève : « Comme le fait Michel Louvain, je m’habille pour faire honneur à mes parents, décédés depuis des lunes. Je suis incapable de m’affranchir de cette vieille prescription ». Jeanne décroise enfin ses longues jambes gainées de bas multicolores, se lève et nous lance un tabarnak monté directement des entrailles. Elle nous parle de sa soif inextinguible d’être vue, connue et reconnue et à quel point ce besoin de fréquenter les « seins qu’à 7 » l’épuise.
Victoire, elle, parle de son âge vécu comme une condamnation à l’exclusion, une discrimination sociale. Son dynamisme se situe pourtant à l’opposé de son discours. Nous cacherait-elle quelque chose ? Après bien des hésitations, Marie-Josée, elle, nous avoue finalement sa passion pour le shopping. Elle possède tellement de vêtements, de chaussures et d’accessoires qu’elle doit se préparer des heures durant pour la moindre sortie. Habille, déshabille, panique, rage et parfois même pleure à chaudes larmes.

J’enchaîne aussitôt: « Décrivez votre style en deux mots.» Les réponses sont instantanées : Mila est fade mais dynamique ; Ariane est conservatrice (comme une conserve, à ses dires) mais moderne ; Jeanne se décrit comme une débrôlée contemporaine mais sexée ; Victoire est une ma tante cocue mais élégante et Marie-Josée se dit raffinée mais modeste.
Mais, mais, mais… dynamique, moderne, sexée, élégante et modeste
Que supposent tous ces mais? La gêne d’être soi ? Le doute sur sa véritable nature ? En explorant la face cachée de votre personnalité vous découvrirez comment le vêtement peut vous aider à développer votre assurance et restaurer votre estime.
Osez !


Le string d’Éros

Quand on m’a invité à parler d’hypersexualisation devant des groupes d’étudiants de secondaire V, mon premier réflexe a été de trouver l’angle de ma causerie  pour que cette armada d’hormones ne se sente pas culpabilisée par le phénomène et montrée du doigt.
Suffisamment de gens le font en ce moment et s’accusent mutuellement de la place que prend le sexe dans la société. Véritable foire d’empoigne où les concernés ne semblent pas conviés au débat.
D’entrée de jeu je leur précise que nous jugeons et sommes jugés sur les apparences, que cela leur plaise ou non et que c’est probablement ce qu’ils ont fait dans les premières secondes où ils m’ont aperçu au bureau du maître
Réactions immédiates et vives. Certains gars ronchonnent. Plusieurs filles sont murées dans le silence, médusées à l’idée que je puisse les citer en exemple.
La salle se réchauffe. Ma stratégie est de jouer la carte des apparences. J’enlève ma veste, dénoue ma cravate, enlève mes boutons de manchette, roule mes manches et pose mes grosses lunettes d’écaille sur le bureau. D’une attitude de fermeture causée par ma tenue rempart, je passe à un signe d’ouverture, de transparence. Ainsi en est-il des messages d’érotisation, de sexualisation et davantage d’hypersexualisation. Quelles interprétations fait-on des looks de ces jeunes ?
Surgissent alors les questions. Nadia, qui de toute évidence souffre d’une estime de soi écornée, brise la glace et me demande une lecture de sa tenue. Elle est tellement saucissonnée dans ses vêtements que j’imagine des pinces de désincarcération pour les enlever. Natasha, elle, suit la mode avec son corps : tatoo, percing et une congère de mascara aux cils. Fred arbore un look qui relève de l’ingénierie vestimentaire et se cache derrière un humour caustique. Avec leurs tenues et leurs attitudes ils expriment leurs humeurs, leurs façons d’être au monde et me pistent sur leurs identités et leurs personnalités. Mon but est de les amener à comprendre la force du message qu’ils envoient avec leur tenue vestimentaire et de prendre conscience de la lecture qui en est faite par les observateurs.
La question qui gèle : votre look est un choix conscient ou un conditionnement? La question qui défrise : vous suivez la mode ou vous suivez les autres? La question qui embête : quelle sera votre première chirurgie esthétique? Celle qui glace : aurez-vous une chirurgie intime?


Ce que nos vêtements disent de nous

Depuis que vous avez quitté la maison ce matin, votre œil a scanné des dizaines d’individus et ce malgré toutes vos préoccupations et les méandres de votre mental. Vous entrez machinalement dans le métro et, en quelques secondes, à l’intérieur du même wagon, toute une fresque s’offre non seulement à votre regard mais à tous vos sens.

Entre deux stations, en rafale, vous avez remarqué à votre droite, un homme sans âge qui ploie sous la charge d’un sac à dos surdimensionné. Il y transpose sa vie, son histoire, sa peine.  Assise à ses côtés, évitant tant bien que mal le lourd bagage de son voisin, une sœur Angèle sereine, adresse un bonjour à qui veut bien regarder dans sa direction. Son sourire contagieux se mêle aux rires de cinq adolescentes, colorées et courtement vêtues, qui offrent aux passagers un étal de poitrines. Cet avant-goût de l’été sort de son mutisme un Éric Lapointe tatoué et chaîné et attire le regard d’un Brad Pitt, glabre, qui sert de support à une pâle copie de Paris Hilton.

À l’extrémité de ce théâtre souterrain, un ado de style gothique au visage exsangue  refuse d’occuper un banc vide pour ne pas froisser son long manteau, symbole de son appartenance à un clan. Face à lui, aussi sombre, quoique d’une autre allégeance, une femme cadre, besogneuse aux manches roulées et au souffle court,  peste contre la lenteur du métro.

Entre les deux, une chef d’entreprise au sourire nickel  et à la grâce envoûtante, échange avec un jeune collègue au look débridé et mal accordé à ses nouvelles fonctions.
Pendant que vous fouillez du regard une autre zone de l’habitacle, vos yeux croisent ceux d’une charmante personne  qui vous zieute en battant des cils plutôt que de vous toiser des pieds à la tête. Panique à bord. « Qu’ai-je donc l’air? ». Sportive, excentrique, actuelle, rigide, sobre, effacée, sexy, zen, chic, dynamique? Quelle lecture ce séduisant voyageur fait-il de vous?

Quels commentaires aimeriez entendre de sa bouche ? Que vous faites jeune (évidemment vous ne faites pas votre âge); que vous êtes féminine, originale, accessible, vivante, moderne et surtout que vous avez du style?
Souvent, dans les comportements vestimentaires et dans la gestion de l’image, une dichotomie s’installe entre ce que vous pensez avoir l’air et ce que vous aimeriez projeter. Seriez-vous habités en partie par chacun des personnages du train? Sur une échelle de 1 à 10, quelle note donnez-vous à votre style et à votre image?


Notre relation au shopping

Qui ne connaît pas la fable de la cigale et de la fourmi. La cigale, frivole, fusionne à la philosophie Ogilvy alors que la fourmi, plus retenue, débusque les tendances à l’Aubainerie. La première est émotive, impulsive, sensuelle alors que la seconde planifie ses achats et baigne dans le rationnel.
La cigale pratique le shopping, écume les boutiques et hume le beau. Zen à sa façon, elle fait l’unité avec l’objet convoité, une forme de méditation Samyama glamourisée.
Sa rivale, la fourmi, exerce le magasinage, moins noble que le shopping et fait les emplettes, les courses. Le visage irradié de fierté à chaque trouvaille que le hasard met sur sa route, elle carbure à l’efficacité et n’est nullement coupable de légèreté.

L’une est aspirée par les vitrines, l’autre est inspirée par les cartes de fidélité. Une lèche-vitrine et une cherche-bargain.

Pour célébrer l’arrivée du printemps, la cigale et la fourmi profitent du beau temps et s’aventurent innocemment vers le mail de leur quartier. Surprise! Elles se croisent devant la seule place de stationnement disponible. Plus étonnant encore, elles ont élu domicile sur la même rue.
Bisous, bisous. « Comment vas-tu? Où est ton mari? » Monsieur Cigale poursuit sa quête spirituelle chez Rona et l’époux fourmi cherche un kit à rangement chez Ikéa. Mi-altermondialistes, mi-hyperconsuméristes, les deux adeptes des grandes surfaces, pures réincarnations du castor bricoleur, pratiquent le même sport extrême, le magasinage sauvage.
Pendant ce temps, fiston cigale, échange des renseignements avec mini fourmi au sujet d’un nouveau gadget sans lequel la vie serait insupportable.

Famille cigale et famille fourmi sont donc affairées à consommer. Guidées par des émotions et des sentiments si peu différents, les deux espèces se croient à l’abri des stratégies publicitaires et se pensent nullement affectées par le marketing olfactif, les ruses du marchandisage et les techniques d’ambiance des magasins. Dans leur élan de shopping les membres des deux familles réinterprètent et altèrent à leur avantage l’information rencontrée faisant ainsi taire cette petite voix culpabilisante qui infecte les méandres du mental de tout bon magasineur.

Morale de cette histoire : nous consommons en fonction de notre image, nos achats supportent notre promotion personnelle et le choix de nos produits nous réconforte dans ce que nous croyons être.


La fête des pairs

Dans l’espèce animale, généralement, la parure du mâle est plus relevée, flamboyante, que celle de la femelle. Ses plumes, ses couleurs, son panache et son cri amoureux se distinguent nettement de ceux de sa compagne. Chez l’être humain, les rôles, croit-on, seraient inversés. La femme serait plus coquette que l’homme, plus sensible à l’apparence, se prêterait davantage au jeu de la séduction et ses comportements vestimentaires seraient plutôt complexes.
Serait-ce pourquoi nos héros masculins se sont attribués des propriétés animales, question d’imiter la nature? Superman plane tel un faucon, Spiderman singe l’araignée-ritalin, Infoman pastiche Superman et Batman se travestit en chauve-souris. Le copain de Shrek est une mule et le complice de Tintin, un chien. Belle représentation totémique ! Bonjour virilité !
Le mâle québécois est-il pétri d’angoisse quant à son apparence ?
Il est plutôt désorienté, songeur et est déchiré entre tous ces modèles marketing qu’on lui propose : Métrosexuel,, Hétéropolitain, Ubersexuel, groopy.
Ni rose ni macho et bien que sachant que le corps est partie intégrante de sa nouvelle identité, le mâle ne sait trop comment négocier ce capital qui doit fructifier. Sa place tant au niveau professionnel, social que personnel doit maintenant tenir compte de cette donne.
Longtemps auréolé de cette réputation d’indifférence aux oracles de la mode il se prête maintenant plus facilement au jeu de l’image.

Mais au risque d’en décevoir plus d’une, l’apparence vestimentaire de notre homme est en forte compétition avec d’autres intérêts qui le font vibrer davantage et visiter les boutiques n’est pas toujours son premier choix.
C’est surtout en pratiquant le sport que la plupart des gars se réalisent et s’expriment. Pour certains autres le char et la moto sont un précieux repaire. La voiture est le trait d’union symbolique entre l’appartement et la tenue vestimentaire de l’homme, faut-il se le rappeler.
Quant au garage, il résiste et demeure un des derniers bastions de monsieur. L’homme-garage est aussi typé que la femme-penderie : méthodique et organisé ou bordélique et anarchique pour qui cet espace est un dépotoir affectif.
Côté outillage, d’après un sondage publié dans La Presse en mars dernier, les hommes sont plus nombreux à trouver «très important» d’avoir les appareils les plus performants et les plus avancés.
Côté mode, presque un homme sur deux pense que les femmes sont plus sévères et plus critiques qu’avant sur ce terrain.
Canadian Tire devrait-il vendre des cravates ?