DÉMARCHE VESTIMENTAIRE

 

«Comme tous les matins le soleil se lève. Je m’habille, j’me maquille…mes lunettes, ma mallette, accessoires obligatoires. Les miroirs du couloir multiplient ma silhouette…». Diane Dufresne. «Donnez-moi de l’oxygène».

Machinalement, nous répétons le matin à notre sortie du lit une liste séquentielle d’actions, orchestrées au quart de tour, sans trop se poser de questions. Revoyons ce film au ralenti. Qui est cette personne devant la glace? Quelle facette de cette personne est dominante ce matin? Cette femme, cette fille, que souhaite-t-elle mettre en lumière par son choix de tenue? Une femme, déterminée, effacée, un brin désinvolte, provocante, sexy, séduisante, rebelle, moderne, ordinaire, interrogative, complexe…? Question embêtante, direz-vous.

Vous n’avez rien à vous mettre? Faux! Vous n’avez rien à porter dans lequel vous vous reconnaissez pleinement. «Rien à vous mettre sur le dos» est une mauvaise formulation de la situation. Au contraire, vous en avez «plein le dos» de figer devant votre placard, votre miroir, les vitrines de magasins et le regard des autres que vous ne savez comment interpréter.

Trop souvent les gens font une mauvaise évaluation de leur personne, de celle qu’ils doivent vêtir. Selon Mariette Julien, Ph.D. en Communication et Professeure associée à l’ÉSG-UQAM, «La majorité des gens n’ont pas conscience des véritables motifs qui influencent leur goût vestimentaire et corporel», La mode hypersexy mise à nu » in Le Corps dans tous ses états, 2007.

Puisque l’éducation vestimentaire au Québec ne fait pas partie de notre culture, nous n’avons pas développé avec le vêtement cette relation d’aisance, de complicité et conservons au fond de nous-mêmes cette gêne, voire malaise, d’aimer le vêtement, jouer des personnages, reconnaître notre sens du beau. Le regard et la validation de l’autre quant à nos décisions prennent encore une part importante dans nos choix vestimentaires. La peur «d’avoir l’air de» existe toujours et ce, chez tous les groupes d’âge. La «peur de» engendre les résistances, les résistances alimentent les blocages et les blocages nous font tourner en rond. Retour à la case départ.

Afin de mettre en exergue ce dilemme qui nous taraude, je propose une démarche vestimentaire. J’appelle «démarche vestimentaire» les moyens mis en place pour développer une relation saine avec son image tant visuelle que corporelle. Mais pour ce faire, nous devons travailler à contre-courant, déconstruire notre rapport au vêtement.
Comment? D’abord en se faisant confiance et en prenant à la légère les analyses à l’emporte-pièce de ces experts de salon qui se prononcent sur les tenues du jour, les tendances de la mode et les «comment être la plus belle» sans savoir avec précision à qui ils s’adressent.

Une démarche vestimentaire est d’abord une démarche vers soi qui exige de focaliser sur soi avant de focaliser sur le vêtement. Par exemple, plutôt que de faire l’inventaire des pièces de votre placard, faites l’inventaire de vos atouts, de ce que vous voulez transmettre, de votre état d’esprit et demandez-vous si la tenue choisie correspond à cela. Si cette tenue nous communique davantage vos résistances au changement, vos phobies vestimentaires et la perception erronée que vous avez de votre corps, vous aurez alors une charge affective négative avec le vêtement, inéluctablement. C’est ainsi que certains looks nous fragilisent.
Plutôt que d’étioler votre énergie à être «correcte» et à vouloir tendre vers les valeurs des autres, souvent pour être aimée, prenez un temps d’arrêt et écrivez vos sensations face au vêtement, vos émotions face au magasinage et vos réactions face à votre placard.

«Qui suis-je?» n’est pas la question existentialiste que nous croyons. Il suffit d’un peu d’honnêteté face à soi et observer nos comportements et habitudes vestimentaires. Nous avons tendance à prendre des raccourcis et utiliser des faux-fuyants pour justifier les décisions concernant notre apparence vestimentaire. Par exemple, on prétextera notre âge pour se priver d’un style qui assurément nous plairait ou on tiendra pour responsable un code vestimentaire silencieux au bureau pour se soustraire à une forme de lunettes qui mettrait un peu de joie dans notre allure austère. L’âge, la morphologie, le type de travail sont bien évidemment des éléments à considérer dans les choix de vêtements. La question de base est de se demander quelle place prennent ces éléments et les avons-nous exagérer au point de ne plus être capable de passer à l’action. Le danger d’alimenter une fausse croyance est quelle se transforme en certitude, en évidence et qu’elle nous piège. Il est peut-être temps de changer ce logiciel dans notre tête qui nous empêche de se réaliser pleinement avec le vêtement.
N’oublions pas que nos manières d’être face au vêtement se rapprochent curieusement de nos comportements face aux autres domaines de nos vies. Le vêtement est un moyen créatif de s’observer et de s’émanciper. Dommage qu’on le considère à tort comme «superficiel». Pourtant!

Article en ligne sur le magazine Les Radieuses

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