Article La Presse+ Luc vêt Bien

CHANTAL LAMARRE COLLABORATION SPÉCIALE

Entete LaPresse LucVetBien« Pour tant de gens, des femmes surtout, les portes du garde-robe sont les portes de l’enfer ! »

Le ton est convaincant et le propos de Luc Breton, « analyste en comportements vestimentaires », est très pertinent.

L’homme devant moi porte des montures de lunettes à son image : étudiées et extravagantes à la fois, un t-shirt blanc impeccable et distinctif avec ses deux poches à la poitrine et, au poignet droit, des bracelets fins et ouvragés. Il me montre une photo de lui où il insiste pour que je remarque ce détail : « Regarde, je suis un petit gars de 8 ans qui vit dans un village à quatre heures de route de Montréal, un village où il n’y avait qu’un magasin général et tu vois, je porte un bracelet. D’où venait-il ? Comment se fait-il que j’avais la permission de le porter ? »

 

La photo, qui date des années 50, où j’ai principalement observé un petit garçon avec une chemise propre et un nœud papillon, est l’une des clés de sa méthode d’analyse offerte en conférences et en ateliers, et très justement titrée Je vêts bien. La photo constitue l’un des outils de connaissance de soi, des « empreintes de vie ». Luc Breton est formateur, animateur, conférencier, et ses recherches et son parcours légitimassent amplement son titre. Je devais rencontrer la bibitte.

« Je vous préviens, m’écrit-il, il faudra m’arrêter, je suis verbomoteur. » Pour ça, oui, il a de la jasette, mais aussi un solide bagage et des références infinies sur la signification profonde de nos choix vestimentaires. Sa vie entière le mena où il se trouve, en passant par de nombreux chemins de travers. « J’ai passé 35 ans dans le milieu de la mode, pas du côté noble du design, mais du côté payant, la promotion et la commercialisation. »

Puis, le pédagogue né enseigna dans les collèges et les écoles de mode jusqu’à une réévaluation de carrière qui le mena à suivre, au tournant des années 2000, une formation pour devenir intervenant en croissance personnelle.

Il précise aussitôt : « Chu pas un coach ni un thérapeute, j’ai vu tout de suite que je pouvais utiliser mon expérience pour créer un outil sous forme d’ateliers ou de conférences qui porteraient sur le rapport que nous entretenons avec le vêtement. Pas avec la mode, la mode, c’est du show, mais avec le vêtement, ça n’existait pas au Québec. »

Il s’est dit : « C’est ça que je veux faire. » Le sujet n’est pas documenté chez nous et Luc ira à Paris, plus précisément à l’école parisienne de La Gestalt, pour participer au stage Être et paraître. Puis, un peu plus tard : « Écoute bien, je ca-po-tais, j’ai rencontré la psychanalyste Marie-Louise Pierson, auteure du livre L’image de soi. » Luc m’instruit : « Savais-tu que Mme Pierson fut la dernière mannequin engagée pour défiler par Mme Chanel, de son vivant ? J’te l’dis ! » Après un stage avec madame, il fut autorisé à la représenter au Québec avec la méthode Lecture d’image.

Luc est une dynamo – « Je ne prends pas de café avant une conférence » –, un sage – « Je vends de la réflexion, de l’introspection, je ne donne pas de trucs, je tends des perches ». Et surtout, Luc est un stand-up comic qui s’ignore. Il faut l’entendre lorsqu’il se déclare exaspéré par les sempiternelles récriminations et faux-fuyants invoqués pour justifier que s’habiller soit si difficile. « J’entends tout le temps : ‘‘J’ai pas les moyens’’, ‘‘Y’a pas de service à la clientèle’’, ‘‘J’ai pas le corps qu’il faut’’. » Il répond, sans gants blancs, avec une palpable intolérance à la complaisance : « Y’a 2 % de corps parfaits, je comprends l’insatisfaction, passe à autre chose ! » Luc est à boutte d’entendre que les femmes voudraient projeter un style « décontracté », « naturel », « classique », « crédible ».

« Ça veut rien dire ! dit-il. Décontracté, c’est une attitude, pas un look. » Son approche est pourtant humaine : « Pour se réconcilier avec le vêtement, on doit pratiquer. » Il ajoute cette affirmation si vraie : « On n’a pas appris à se valoriser. »

Je jette un coup d’œil à sa photo professionnelle, où il se présente avec un complet bleu et une barbichette de psychanalyste, et à l’homme devant moi, barbe courte et sans veston. J’y vois toute sa passion à se transformer, s’habiller et aider les autres à se réconcilier avec leur image et, comme il le dit si bien, « à se donner du lousse ».

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