Article sur Les Radieuses
2 JUIN 2023
by Kathia Gailer
Luc Breton : D’analyste en comportements vestimentaires à auteur
Luc Breton est une personne colorée. Tout chez lui transpire l’élégance: ses vêtements, ses lunettes, maintenant, on peut même accéder au chic de ses mots puisqu’à 72 ans, notre collaborateur fait maintenant partie de la grande famille des auteurs. Avec son livre «Le cimetière des aveux», paru en mai 2023, il brise la glace et nous offre un récit qui fait réfléchir sur l’impact que nos paroles et nos gestes peuvent avoir sur les autres, sur les blessures du passé et sur l’espoir de s’en affranchir une fois pour toutes!
Entrevue avec Luc Breton
Après une longue et belle carrière dans le milieu de la mode, tu es maintenant un auteur de la relève! Comment ça se passe?
«Maintenant, je peux dire que ça se passe bien. J’ai eu la chance de faire 3 lancements (à Montréal, à Magog et à Sherbrooke). J’ai vendu mes 200 premières copies, donc j’ai demandé une réimpression. En ce moment, je fais ce dans quoi je suis le plus à l’aise: la promotion! Je dois toutefois l’avouer, j’ai trouvé l’autoédition très difficile. Pour rire, je me plais à dire que ce ne sont pas les rénovations qui font éclater les couples, c’est de se lancer en autoédition!»
Pourquoi avoir choisi cette voie?
«Tout simplement parce qu’après avoir essuyé plusieurs refus venant de différentes maisons d’édition, j’ai décidé de me lancer! J’ai commencé l’écriture de mon roman en janvier 2020 pour le terminer en février 2022. Je ne voulais tout de même pas que mon livre soit posthume! Je ne sais pas si le fait que je viens du milieu de la mode m’a nui, mais j’ai été confronté à plusieurs obstacles… Comme si je ne connaissais que les parfums et les rouges à lèvres!»
Tu as prouvé le contraire puisque tu écris magnifiquement bien, ton vocabulaire est très riche, j’ai même appris plusieurs mots dans ton livre!
Il rit. «C’est gentil. Depuis 15 ans, tous les jours, je note et classe de beaux mots ou de belles phrases dans un cahier. Quand je travaillais le plan de mon livre, chaque personnage avait sa colonne, et dans chaque colonne, j’y mettais des mots qui les qualifiaient, qu’ils pourraient utiliser. Après un comité de lecture, un ami m’a fait remarquer que certains de mes personnages parlaient trop bien, spécifiquement un qui a très peu d’éducation… Il ne parlait pas, il “perlait”! J’ai dû réajuster en conséquence!»
Je te connais peu, mais j’ai reconnu plusieurs traits et événements personnels au fil des pages, ton personnage principal fait le même métier que toi, viens d’un petit village, a vécu de l’intimidation, a dû se battre avec l’alcoolisme…
«C’est vrai, c’est une autofiction. J’ai aussi une passion pour l’aviation et pour les cimetières, comme mon personnage principal. J’en ai d’ailleurs créé un joli à côté de la maison où sont enterrés nos animaux des 30 dernières années. De là est aussi venue l’idée principale du livre, qu’un cimetière pouvait également servir à enterrer nos vieux souvenirs, nos vieilles batailles, nos échecs. De nos jours, il y a encore beaucoup de tabous et d’omerta qui se vivent, surtout dans les villages. Il y en avait à l’époque et il y en a toujours aujourd’hui, dans les écoles, dans le sport…»
Est-ce qu’écrire ce livre t’a permis de faire la paix avec ton village et l’intimidation que tu y as vécue?
«Ce n’est surtout pas un livre où je règle mes comptes. Je désirais principalement donner une voix aux personnes affligées. Il y a des gens qui n’ont pas pu fuir leur village, qui côtoient encore leurs agresseurs, leurs intimidateurs chaque jour. Ce n’est pas vrai que le temps guérit tout, j’ai assez fait de thérapie pour le savoir! Ça peut dormir en nous, mais ça ne s’effacera jamais.»
Ça a quand même dû être libérateur?
«Tu sais, je me considère chanceux parce que j’ai été élevé par des parents audacieux, anticléricaux. Ma mère était très ouverte à l’American Way of Life. Grâce à eux, je me suis construit une personnalité affirmée. Selon moi, l’endroit le plus dangereux pour un enfant qui sort de la norme, c’était de vivre dans un village.
Je n’étais pas un enfant exubérant, mais exalté… quand j’en avais la chance! J’étais différent, d’abord, parce que je n’aimais pas le hockey alors que mon père et mes frères y excellaient. J’étais un enfant plutôt frêle, à l’inverse de mes frères baroudeurs.
Comme j’étais plus à l’aise avec les femmes, ça semait le doute sur ma virilité. Je ne sortais pas de la maison par la porte avant qui donnait sur le garage de mon père, car je craignais les commentaires des employés. À l’école, à cause de mon daltonisme, une religieuse s’en prenait à mes dessins. J’avais l’impression qu’il n’y avait aucun endroit où j’étais correct.
Il y a un adage qui dit que ça prend un village pour élever un enfant. C’est vrai, mais j’ajouterais aussi que ça ne prend qu’un villageois pour briser la confiance et la vie de cet enfant-là. Je le sais, car je l’ai vécu!»
Est-ce que des gens de ton village natal ont lu ton livre? Se sont-ils reconnus?
«C’est vrai que je me suis inspiré de certains faits vécus. Ce qui se passe dans mon livre, c’est un mélange d’histoires entendues, de personnes croisées, de faits et aussi d’inventions! Il y a des vérités et d’autres qui sont très romancées. Pour les personnages, c’est la même chose. Mais oui, j’ai eu de beaux commentaires, je suis très content.»
Deux dollars par livre vendu seront remis au Journal de rue de l’Estrie, pourquoi y tenais-tu?
«Tout d’abord, parce que dans le livre j’aborde l’alcoolisme. J’ai arrêté de consommer il y a 38 ans. Je trouvais ça stimulant de m’associer à une cause ou à un organisme. Quand tu touches le bas fond, non seulement tu ne penses pas pouvoir t’en sortir, mais tu ne sais même pas comment tu vas survivre à l’heure qui vient. Le Journal de rue s’occupe des gens dans le besoin puisque sa mission vise la réintégration progressive à l’emploi ou la remise en action de personnes en situation de précarité, d’exclusion ou vivant des difficultés psychosociales.
Je trouve ça très important de donner au suivant. Ça prend tout une dose de courage pour arrêter de consommer, ça prend de l’aide aussi! C’est ma façon de mettre ça en lumière. J’ai beaucoup partagé au AA, en me disant que si mes paroles pouvaient aider une seule personne ce serait déjà ça de gagner!
Ce sera peut-être ma 2e carrière, qui sait? “Conférencier en rétablissement, pour aider les gens à enterrer leurs démons avec élégance!”.»
D’ici là, chères Radieuses, nous vous encourageons à découvrir les talents d’auteur de notre cher Luc Breton en vous procurant son livre en ligne ou à la Librairie Appalaches de Sherbrooke.
Psst! Un concours aura lieu ce midi sur notre page Facebook pour en gagner un exemplaire!
Pour mieux le connaître, rendez-vous sur son site Web.
Entrevue avec Winston McQuade, Le Culturel 2.0
Entrevue avec Martine Turcotte, conseillère en image, Berlin.
Vidéo de l’entrevue