Notre relation au shopping

Qui ne connaît pas la fable de la cigale et de la fourmi. La cigale, frivole, fusionne à la philosophie Ogilvy alors que la fourmi, plus retenue, débusque les tendances à l’Aubainerie. La première est émotive, impulsive, sensuelle alors que la seconde planifie ses achats et baigne dans le rationnel.
La cigale pratique le shopping, écume les boutiques et hume le beau. Zen à sa façon, elle fait l’unité avec l’objet convoité, une forme de méditation Samyama glamourisée.
Sa rivale, la fourmi, exerce le magasinage, moins noble que le shopping et fait les emplettes, les courses. Le visage irradié de fierté à chaque trouvaille que le hasard met sur sa route, elle carbure à l’efficacité et n’est nullement coupable de légèreté.

L’une est aspirée par les vitrines, l’autre est inspirée par les cartes de fidélité. Une lèche-vitrine et une cherche-bargain.

Pour célébrer l’arrivée du printemps, la cigale et la fourmi profitent du beau temps et s’aventurent innocemment vers le mail de leur quartier. Surprise! Elles se croisent devant la seule place de stationnement disponible. Plus étonnant encore, elles ont élu domicile sur la même rue.
Bisous, bisous. « Comment vas-tu? Où est ton mari? » Monsieur Cigale poursuit sa quête spirituelle chez Rona et l’époux fourmi cherche un kit à rangement chez Ikéa. Mi-altermondialistes, mi-hyperconsuméristes, les deux adeptes des grandes surfaces, pures réincarnations du castor bricoleur, pratiquent le même sport extrême, le magasinage sauvage.
Pendant ce temps, fiston cigale, échange des renseignements avec mini fourmi au sujet d’un nouveau gadget sans lequel la vie serait insupportable.

Famille cigale et famille fourmi sont donc affairées à consommer. Guidées par des émotions et des sentiments si peu différents, les deux espèces se croient à l’abri des stratégies publicitaires et se pensent nullement affectées par le marketing olfactif, les ruses du marchandisage et les techniques d’ambiance des magasins. Dans leur élan de shopping les membres des deux familles réinterprètent et altèrent à leur avantage l’information rencontrée faisant ainsi taire cette petite voix culpabilisante qui infecte les méandres du mental de tout bon magasineur.

Morale de cette histoire : nous consommons en fonction de notre image, nos achats supportent notre promotion personnelle et le choix de nos produits nous réconforte dans ce que nous croyons être.


La fête des pairs

Dans l’espèce animale, généralement, la parure du mâle est plus relevée, flamboyante, que celle de la femelle. Ses plumes, ses couleurs, son panache et son cri amoureux se distinguent nettement de ceux de sa compagne. Chez l’être humain, les rôles, croit-on, seraient inversés. La femme serait plus coquette que l’homme, plus sensible à l’apparence, se prêterait davantage au jeu de la séduction et ses comportements vestimentaires seraient plutôt complexes.
Serait-ce pourquoi nos héros masculins se sont attribués des propriétés animales, question d’imiter la nature? Superman plane tel un faucon, Spiderman singe l’araignée-ritalin, Infoman pastiche Superman et Batman se travestit en chauve-souris. Le copain de Shrek est une mule et le complice de Tintin, un chien. Belle représentation totémique ! Bonjour virilité !
Le mâle québécois est-il pétri d’angoisse quant à son apparence ?
Il est plutôt désorienté, songeur et est déchiré entre tous ces modèles marketing qu’on lui propose : Métrosexuel,, Hétéropolitain, Ubersexuel, groopy.
Ni rose ni macho et bien que sachant que le corps est partie intégrante de sa nouvelle identité, le mâle ne sait trop comment négocier ce capital qui doit fructifier. Sa place tant au niveau professionnel, social que personnel doit maintenant tenir compte de cette donne.
Longtemps auréolé de cette réputation d’indifférence aux oracles de la mode il se prête maintenant plus facilement au jeu de l’image.

Mais au risque d’en décevoir plus d’une, l’apparence vestimentaire de notre homme est en forte compétition avec d’autres intérêts qui le font vibrer davantage et visiter les boutiques n’est pas toujours son premier choix.
C’est surtout en pratiquant le sport que la plupart des gars se réalisent et s’expriment. Pour certains autres le char et la moto sont un précieux repaire. La voiture est le trait d’union symbolique entre l’appartement et la tenue vestimentaire de l’homme, faut-il se le rappeler.
Quant au garage, il résiste et demeure un des derniers bastions de monsieur. L’homme-garage est aussi typé que la femme-penderie : méthodique et organisé ou bordélique et anarchique pour qui cet espace est un dépotoir affectif.
Côté outillage, d’après un sondage publié dans La Presse en mars dernier, les hommes sont plus nombreux à trouver «très important» d’avoir les appareils les plus performants et les plus avancés.
Côté mode, presque un homme sur deux pense que les femmes sont plus sévères et plus critiques qu’avant sur ce terrain.
Canadian Tire devrait-il vendre des cravates ?


Telle mère, tel fils…

L’histoire est classique, presque banale. Mon récit ressemble à celui de bien d’autres gars de ma profession, à quelques variantes près. Oui, oui, moi aussi, avoir le sens de l’esthétique, être un chantre du beau et devenir gendarme attitré aux délits vestimentaires m’ont été inculqués par ma mère.
Mes premières empreintes se sont donc forgées dans le sillon de madame Breton, coach officiel du bon goût. Jeune, elle m’a initié aux magasins 5-10-15 cents, United, Woolco, Miracle Mart, M, Greenberg, Quincaillerie Pascal et Distribution aux consommateurs (dont le slogan était :Souffrez un peu, économisez beaucoup). Avec l’apparition des centres commerciaux dans notre région, sa tâche s’est complexifiée et elle m’a vite promu au poste d’assistant styliste pour la famille.

Relationniste bien avant la lettre, cette femme, sans artifice, était douée d’un puissant pouvoir de persuasion. Sa simple présence éclairait n’importe quel lieu et imposait le respect.
Même si elle se pliait aux exigences sociales de l’époque où les femmes devaient être gantées, chapeautées et vivre dans l’ombre du mari, ses opinions anti-cléricales et ses positions quant à la place des femmes étaient connues et redoutées.

Mère économe et consciencieuse, elle investissait modérément dans ses tenues et parcimonieusement dans les accessoires de ses toilettes. Sa sobriété et sa simplicité ne faisaient que mettre en valeur ses yeux inquisiteurs, sa grâce et son profil morphologique à la Jacky O. Coiffée de sa prestance, elle attirait les regards.
J’étais fasciné par ce pouvoir naturel d’attraction qu’elle exerçait sur les gens, âge et rang social confondus.

Aujourd’hui, l’expérience, combinée à mes recherches sur les apparences, m’apporte plus de compréhension sur la symbolique du vêtement, des accessoires et de l’allure générale des gens. Inconsciemment, nous invitons les autres à faire une lecture de notre emballage et à notre insu nous devenons un bureau d’informations, ce que j’appelle Le look révélé.

Maintenant âgée de 80 ans, ma mère souffre d’une incompréhensible maladie de la mémoire. Mais la maladie n’a pas évacué la coquetterie. Madame Breton a conservé son rituel du rouge à lèvres et du fard à joues et c’est en toute beauté que lors de mes visites bimensuelles nous allons au resto. Elle est si fière de son fils.


Le syndrome de la porte blanche

Vous connaissez le syndrome de la page blanche? Cet état d’être qui nous habite assis devant l’écran ou penché sur une feuille sur le coin de la table. Cette sensation qui se situe entre la panique parce que rien ne monte, l’urgence parce que les délais sont à respecter mais pis encore l’impression que seul un miracle viendra à bout de ce texte que vous devez pondre. Que se soit pour rédiger un document, préparer un texte officiel ou offrir des vœux pour un anniversaire, nul n’est à l’abri du vilain syndrome.
Vous connaissez le syndrome de la porte blanche? Ce malaise sournois qui se pointe certains matins devant la penderie et qui se manifeste par les mêmes symptômes : panique, urgence, colère, doute. Que se passe-t-il donc? Pourquoi est-ce si compliqué, soudainement, ce matin même, de me trouver une tenue qui me convienne, me plaise, me mette en évidence?

Parce que le vêtement, comme l’écriture, exprime ce qui vient de l’intérieur. Le vêtement dévoile une partie de soi et quelqu’un en fera une lecture. C’est cette lecture, ce regard de l’autre qui nous inquiète parce que nous ne sommes pas toujours pleinement conscients de notre message.
Comme notre façon d’écrire, notre style vestimentaire peut être incisif, tranchant, sérieux, léger, songé, teinté d’humour.

Notre signature, apposée sur un document ou un chèque est reconnaissable, identifiable. Ainsi en est-il de notre signature vestimentaire. Cependant, cet autographe du look est un piège. Nous sommes parfois prisonniers de notre image et aimerions bien la modifier. Faire plus jeune, plus moderne, plus femme, plus fou. Pourquoi s’agripper à un style? Comment s’affranchir de ses vieilles habitudes (ou habits)? Comment négocier avec la nouveauté? Nous transposons sur notre seconde peau, le vêtement, ce qui se fomente à l’intérieur de nous et qui traduit notre état d’esprit.

Comme l’écriture, le vêtement témoigne de qui nous sommes.
Les tissus et les couleurs représentent les consonnes et les voyelles;
Le vêtement, les mots;
La garde-robe, le vocabulaire;
La tenue, la phrase;
La coordination, la grammaire