LE JOURNAL DU HAUT-SAINT-FRANÇOIS

Premier roman d’un septuagénaire de Marbleton : Luc Breton a publié Le cimetière des aveux

29 août 2023, 9 h 11 min, par: Ronald Martel

Luc Breton a été tour à tour enseignant, vulgarisateur, formateur et chroniqueur pour la télé et la radio. Il devient maintenant romancier avec Le cimetière des aveux, son premier roman.

Luc Breton est né à Marbleton, il y a plus de 70 ans. Il a vécu plusieurs décennies à Montréal et s’est finalement installé à Eastman, en 2002. Il vient de publier à compte d’auteur son premier roman, Le cimetière des aveux, qu’il qualifie d’autofiction. À partir d’un fait qu’il a vécu jadis dans son village natal, son roman raconte son histoire, mais d’une façon romancée et arrangée.
« À mon âge, j’avais peur que mon roman devienne une œuvre posthume si je passais par un éditeur traditionnel. J’avais déjà essayé cette voie, pour commencer, mais ce n’était pas facile ni rapide ! Alors c’est ce qui m’a fait choisir l’autoédition. Je voulais aussi rentrer dans mes frais rapidement et donner 2 $ par livre vendu à une cause qui me tient à cœur », révèle M. Breton, en entrevue téléphonique.
Le journal de rue de l’Estrie reçoit ce don de sa part. Ancien alcoolique toxicomane, sobre depuis 38 ans, il croit qu’aujourd’hui encore, les tabous dans la société sont très tenaces.
« J’évalue que mon roman se déroule, au début, il y a 60 ans. J’ai beaucoup travaillé et retravaillé les premiers chapitres, avec un style haletant, pour agripper le lecteur dès les premières lignes. Je traite d’un thème universel, mais je fais un parallèle avec la société d’aujourd’hui, soit l’intimidation, le harcèlement et l’humiliation, qui sont maintenant monnaie courante, comme dans les cours d’école et les arénas, ce que plusieurs d’entre nous ont pu vivre durant son enfance. Dans mon histoire, ces réalités refont violemment surface pour un homme qui revient dans son village natal », raconte Luc Breton.
« Mon personnage principal, Geoffroy Gamache, va combattre les souvenirs des années où il a subi lui-même du harcèlement et de l’humiliation. J’ai tenu à ce qu’il y ait une solution, apportée à la fin du livre, quand Gamache va organiser un rituel d’apaisement, dans le cimetière de son village. Il va mettre en terre ses rêves brisés, ses espoirs déçus, et ainsi aider d’autres âmes blessées comme lui. Voilà pourquoi les pierres tombales sont si lourdes, elles bloquent l’accès aux secrets », clame-t-il.
Le récit se déroule effectivement à un rythme effréné, dans un style rapide et nerveux.
« J’ai commencé à recevoir des témoignages de lecteurs qui se reconnaissent dans mon roman, je suis surpris. Je vois l’importance que mon livre les aide à assouplir leur situation et à mettre dans leur tête un peu d’air. Les menaces sont plus pernicieuses de nos jours avec les réseaux sociaux », dit-il.
« Il y a aussi des événements clés dans mon livre, soit le 30e anniversaire de la reconstruction du charnier par la Municipalité. Les gens sont invités à enterrer des objets symboliques, pour se libérer de deuils mal vécus, entre autres. Ils en viennent à faire chacun un cimetière individuel dans leurs jardins. Il y en a qui enterrent leurs livres de recettes, parce qu’ils sont désabusés, d’autres des drapeaux du Québec parce qu’ils savent très bien que l’indépendance ne se réalisera jamais, et d’autres se détachent de drames vécus dans leur village, comme de la violence conjugale que personne ne connaît, c’est l’Omerta du village… C’est traité avec humour, parfois sombre. Mais on n’aide personne en arrêtant de parler de l’intimidation et du harcèlement », conclut-il.
Les intéressés peuvent se procurer son livre Le cimetière des aveux par courriel, à l’adresse [email protected]


L’AMOUR EST-IL UN COSTUME UN PEU TROP GRAND POUR MOI?

Des centaines, des milliers, des millions de chansons font l’éloge de l’amour ou le constat de son échec. Je te quitte, tu me reviens, je t’aime à mourir, tu me hais, je veux mourir dans tes bras, que ferais-je sans toi. La formule des mélodies est essentiellement la même, l’amour fait souffrir, tant par sa présence que par son absence. Le prince charmant et la fée de l’amour nous sont racontés dès l’enfance, personnages mythiques sans qui notre vie serait un échec et notre bonheur, impossible à vivre si on est seul. On s’attelle à la tâche sans guide d’instruction, être en couple est un must. Quelle est la recette des couples heureux, la méthode qui permet de perdurer des décennies ? Chacun a son histoire. Je vous raconte la mienne.

Je ne souscris pas ni en amour ni en affaires aux recettes et aux méthodes qui garantissent le succès. Cela va à l’encontre de ma nature. J’ai compris cependant avec les années que l’amour est une dimension de soi et que la vie de couple est une expérience qui nous permet de transgresser des comportements pernicieux que nous reproduisons dans d’autres domaines de notre vie. On rejoue dans le même film, celui des peurs. Celles de ne pas être à la hauteur, de souffrir, d’oser dire, d’être exploité. La méfiance, la sensation d’abandon et de rejet peuvent s’installer insidieusement. Cette dichotomie qui nous habite entre se laisser porter par la vague amoureuse et la frousse de se tromper et de le regretter peut saboter une relation qui était promise à un bel avenir.

Mon histoire a ceci de particulier qu’elle se situe dans le temps. Le temps où les homosexuels étaient stigmatisés, invités à quitter leurs villages pour ne pas dire évincés, traités de maudites pédales et de tapettes, intimidés, agressés voire canardés. Le jour de mon dixième anniversaire, ma mère m’a cuisiné un gâteau des anges et m’a dit : « Tu es un homme maintenant » et une petite voix dans ma tête d’enfant a répliqué « Osti que ça va être long ». Comment vais-je traverser ma vie sans l’appui de personne, moi l’enfant marginal qui aimait les arts plutôt que le hockey et la musique de chambre plutôt que les rigodons ? Je me sentais si seul, isolé dans ce village où je ne ressemblais à personne d’autre. À la fin des années 1980 quand je parlais de mon homosexualité dans des meetings AA, des hommes se levaient et quittaient la salle en maugréant. J’ai longtemps cru que personne ne m’accepterait comme j’étais. Ce repli sur moi-même que j’avais développé dès l’enfance compliquait l’interaction avec les autres hommes pour établir une communion. Je me questionnais à savoir comment deux écorchés, deux naufragés de l’enfance pouvaient créer une relation saine, douce et équilibrée, dans la retenue, parfois sans la partager avec leurs familles, sans démonstration affective en public. S’embrasser dans les feuilles mortes l’automne ou se promener main dans la main était suicidaire. On est en 1987.

J’ai rencontré l’homme le 22 décembre 1987 au Laurier BBQ sur la rue Laurier à Montréal. Ma première et unique rencontre à l’aveugle organisée par des amis. Elle dure depuis 36 ans. J’ai mis du temps à y croire. Déconstruire mes anciens schèmes de pensée pour en explorer de nouveaux est un processus qui m’a demandé une certaine témérité. Ma vie de célibataire Yuppie (young urban professional) tournait autour de ma carrière et j’avais beaucoup de temps à rattraper après plusieurs années de dérive. Maintenant que j’affrontais les événements de la vie sans alcool et sans drogue, serais-je capable de partager mon quotidien dans la sérénité avec un autre homme ? J’en doutais. Pourtant, j’avais traversé de nombreux déserts affectifs et je souhaitais sincèrement vivre une relation. Des amis gay me comparaient à une jeune fille qui attend son prince sur un cheval blanc et craignaient que je sois perpétuellement déçu. « Dans le milieu gay, une vie de couple, c’est impossible », rabâchaient-ils.

Irréductible, l’homme aux yeux foncés et à la crinière noire de jais savait d’instinct qu’il devrait s’armer de patience pour gagner ma confiance. Sobre et en cheminement depuis trois ans j’avais décrypté mon histoire et compris la mécanique de mes systèmes de défense. Quoi de mieux pour cautériser mes écorchures des relations précédentes que d’entreprendre un périple amoureux afin de mettre en pratique mes belles leçons d’intériorisation. J’ai glissé vers l’amour, parce que quelqu’un d’aimant, d’indulgent, a accepté que je jugule mes appréhensions en sa présence et que je lui communique mes inconforts, mes résistances et tous les travers des méandres de mon mental. Ce fut la clef de voûte de notre relation, prendre soin de l’autre, aller dans le même sens et non le contraire.

Parallèlement à notre couple, la société évoluait lentement vers plus d’ouverture face aux revendications des gay mais les préjugés et les fausses perceptions tenaient bon. « Qui fait l’homme dans votre couple, qui fait la femme, nous demandait-on en plaisantant en 1994. »

Aujourd’hui, en 2023, certains préjugés viennent de l’intérieur. Les détracteurs ont changé de camp. Une frange de la nouvelle génération d’homosexuels condamne les gay qui reproduisent le modèle des hétérosexuels qui se marient, ont des enfants, vivent en banlieue. Ces homosexuels (plus âgés) comme moi qui n’ont pas, croit-on, transgressé les rôles du couple et brisé les conventions sont coupables de retarder la cause, leurs causes. Quoi qu’ils en disent ou qu’ils en pensent, ma relation avec mon mari a fait de moi un homme plus humain, plus pausé, nuancé qui a mis à profit son potentiel plutôt qu’alimenter l’image négative qu’on lui avait inculquée. Il m’a permis de développer une facette de moi que j’ignorais.

L’homme et moi avons redéfini la passion, celle qui enrichit parce qu’elle est constructive et non la passion destructive qui nous enchaîne à la dépendance de l’autre et à la peur de le perdre. Cette confiance en l’autre je l’ai reçu en cadeau sur un plateau d’argent par mon amoureux qui me l’a enseignée, habitué que j’étais à vivre dans l’adversité et non l’hospitalité. Un compagnon de vie solide, un socle.

Notre romantisme n’en est pas un de fleurs ni de chocolats, mais d’appuis sincères dans les projets de l’autre. Nos rêves, nombreux, ont tenu promesse. En 36 ans, nous avons esquivé des troubles de santé majeurs, des revers de fortune, des pertes d’emplois. Nous avons traversé ensemble les deuils de nos parents et certains membres de nos familles. Nous nous sommes questionnés à l’occasion sur notre couple. Est-ce normal de traverser un confinement de plusieurs mois, quotidiennement avec la même personne, sans anicroche…ou si peu ? Je me suis souvent demandé comment cet homme pouvait supporter mon anxiété, mes insécurités de travailleur autonome, mes répliques assassines aux sans-génie de ce monde et mes commentaires abrasifs aux inconvenants. L’amour est peut-être plus simple qu’on le croit. Plus jamais je ne dirai que « Le bonheur est un costume un peu trop grand pour moi » tiré de la chanson Je vais dormir d’Ycare.

 L’AMOUR EST-IL UN COSTUME UN PEU TROP GRAND POUR MOI ?

Des centaines, des milliers, des millions de chansons font l’éloge de l’amour ou le constat de son échec. Je te quitte, tu me reviens, je t’aime à mourir, tu me hais, je veux mourir dans tes bras, que ferais-je sans toi. La formule des mélodies est essentiellement la même, l’amour fait souffrir, tant par sa présence que par son absence. Le prince charmant et la fée de l’amour nous sont racontés dès l’enfance, personnages mythiques sans qui notre vie serait un échec et notre bonheur, impossible à vivre si on est seul. On s’attelle à la tâche sans guide d’instruction, être en couple est un must. Quelle est la recette des couples heureux, la méthode qui permet de perdurer des décennies ? Chacun a son histoire. Je vous raconte la mienne.

Je ne souscris pas ni en amour ni en affaires aux recettes et aux méthodes qui garantissent le succès. Cela va à l’encontre de ma nature. J’ai compris cependant avec les années que l’amour est une dimension de soi et que la vie de couple est une expérience qui nous permet de transgresser des comportements pernicieux que nous reproduisons dans d’autres domaines de notre vie. On rejoue dans le même film, celui des peurs. Celles de ne pas être à la hauteur, de souffrir, d’oser dire, d’être exploité. La méfiance, la sensation d’abandon et de rejet peuvent s’installer insidieusement. Cette dichotomie qui nous habite entre se laisser porter par la vague amoureuse et la frousse de se tromper et de le regretter peut saboter une relation qui était promise à un bel avenir.

Mon histoire a ceci de particulier qu’elle se situe dans le temps. Le temps où les homosexuels étaient stigmatisés, invités à quitter leurs villages pour ne pas dire évincés, traités de maudites pédales et de tapettes, intimidés, agressés voire canardés. Le jour de mon dixième anniversaire, ma mère m’a cuisiné un gâteau des anges et m’a dit : « Tu es un homme maintenant » et une petite voix dans ma tête d’enfant a répliqué « Osti que ça va être long ». Comment vais-je traverser ma vie sans l’appui de personne, moi l’enfant marginal qui aimait les arts plutôt que le hockey et la musique de chambre plutôt que les rigodons ? Je me sentais si seul, isolé dans ce village où je ne ressemblais à personne d’autre. À la fin des années 1980 quand je parlais de mon homosexualité dans des meetings AA, des hommes se levaient et quittaient la salle en maugréant. J’ai longtemps cru que personne ne m’accepterait comme j’étais. Ce repli sur moi-même que j’avais développé dès l’enfance compliquait l’interaction avec les autres hommes pour établir une communion. Je me questionnais à savoir comment deux écorchés, deux naufragés de l’enfance pouvaient créer une relation saine, douce et équilibrée, dans la retenue, parfois sans la partager avec leurs familles, sans démonstration affective en public. S’embrasser dans les feuilles mortes l’automne ou se promener main dans la main était suicidaire. On est en 1987.

J’ai rencontré l’homme le 22 décembre 1987 au Laurier BBQ sur la rue Laurier à Montréal. Ma première et unique rencontre à l’aveugle organisée par des amis. Elle dure depuis 36 ans. J’ai mis du temps à y croire. Déconstruire mes anciens schèmes de pensée pour en explorer de nouveaux est un processus qui m’a demandé une certaine témérité. Ma vie de célibataire Yuppie (young urban professional) tournait autour de ma carrière et j’avais beaucoup de temps à rattraper après plusieurs années de dérive. Maintenant que j’affrontais les événements de la vie sans alcool et sans drogue, serais-je capable de partager mon quotidien dans la sérénité avec un autre homme ? J’en doutais. Pourtant, j’avais traversé de nombreux déserts affectifs et je souhaitais sincèrement vivre une relation. Des amis gay me comparaient à une jeune fille qui attend son prince sur un cheval blanc et craignaient que je sois perpétuellement déçu. « Dans le milieu gay, une vie de couple, c’est impossible », rabâchaient-ils.

Irréductible, l’homme aux yeux foncés et à la crinière noire de jais savait d’instinct qu’il devrait s’armer de patience pour gagner ma confiance. Sobre et en cheminement depuis trois ans j’avais décrypté mon histoire et compris la mécanique de mes systèmes de défense. Quoi de mieux pour cautériser mes écorchures des relations précédentes que d’entreprendre un périple amoureux afin de mettre en pratique mes belles leçons d’intériorisation. J’ai glissé vers l’amour, parce que quelqu’un d’aimant, d’indulgent, a accepté que je jugule mes appréhensions en sa présence et que je lui communique mes inconforts, mes résistances et tous les travers des méandres de mon mental. Ce fut la clef de voûte de notre relation, prendre soin de l’autre, aller dans le même sens et non le contraire.

Parallèlement à notre couple, la société évoluait lentement vers plus d’ouverture face aux revendications des gay mais les préjugés et les fausses perceptions tenaient bon. « Qui fait l’homme dans votre couple, qui fait la femme, nous demandait-on en plaisantant en 1994. »

Aujourd’hui, en 2023, certains préjugés viennent de l’intérieur. Les détracteurs ont changé de camp. Une frange de la nouvelle génération d’homosexuels condamne les gay qui reproduisent le modèle des hétérosexuels qui se marient, ont des enfants, vivent en banlieue. Ces homosexuels (plus âgés) comme moi qui n’ont pas, croit-on, transgressé les rôles du couple et brisé les conventions sont coupables de retarder la cause, leurs causes. Quoi qu’ils en disent ou qu’ils en pensent, ma relation avec mon mari a fait de moi un homme plus humain, plus pausé, nuancé qui a mis à profit son potentiel plutôt qu’alimenter l’image négative qu’on lui avait inculquée. Il m’a permis de développer une facette de moi que j’ignorais.

L’homme et moi avons redéfini la passion, celle qui enrichit parce qu’elle est constructive et non la passion destructive qui nous enchaîne à la dépendance de l’autre et à la peur de le perdre. Cette confiance en l’autre je l’ai reçu en cadeau sur un plateau d’argent par mon amoureux qui me l’a enseignée, habitué que j’étais à vivre dans l’adversité et non l’hospitalité. Un compagnon de vie solide, un socle.

Notre romantisme n’en est pas un de fleurs ni de chocolats, mais d’appuis sincères dans les projets de l’autre. Nos rêves, nombreux, ont tenu promesse. En 36 ans, nous avons esquivé des troubles de santé majeurs, des revers de fortune, des pertes d’emplois. Nous avons traversé ensemble les deuils de nos parents et certains membres de nos familles. Nous nous sommes questionnés à l’occasion sur notre couple. Est-ce normal de traverser un confinement de plusieurs mois, quotidiennement avec la même personne, sans anicroche…ou si peu ? Je me suis souvent demandé comment cet homme pouvait supporter mon anxiété, mes insécurités de travailleur autonome, mes répliques assassines aux sans-génie de ce monde et mes commentaires abrasifs aux inconvenants. L’amour est peut-être plus simple qu’on le croit. Plus jamais je ne dirai que « Le bonheur est un costume un peu trop grand pour moi » tiré de la chanson Je vais dormir d’Ycare.


EN AVRIL, COUPES LES FILS

Depuis plusieurs années, j’ai cette chance de voyager avec le même groupe d’amis. Nous organisons nos voyages de toutes pièces : avion, hébergement, voiture, et chacun occupe un rôle tant dans la planification du trajet que durant le séjour du pays visité. Nous ne sommes pas férus des «check list» et privilégions l’improvisation, la découverte.

Quand vous lirez ce texte écrit pour Les Radieuses je serai en Patagonie, à l’extrême sud de l’Argentine. Je m’étais juré de ne pas visiter cette région du pays fort recommandée par les voyageurs.  Il y a tant d’autres choses à explorer dans cette immense contrée que les glaciers et les montagnes aux neiges éternelles. Au moment où je rédige ce texte, l’hiver règne encore au Québec et j’en ai marre de déneiger les toits et répandre de la «petite roche» dans le chemin menant à mon entrée de maison pour réussir à sortir de chez moi. Et ces vagues de froid qui se succèdent. Vous pensez que je hais l’hiver? Vous avez raison.

Finalement, j’ai acquiescé à la demande de mes compagnons de voyage et la beauté des glaciers a eu raison de mon blocage face au froid. Cela me fait réaliser à quel point le « non » l’emporte souvent sur le «oui» dans certains aspects de ma vie à cause de mes idées préconçues. Cette référence au voyage en Amérique du Sud m’aide surtout à comprendre les raisons souterraines de cette manifestation du « non » que je rencontre chez des participantes dans mes ateliers.

Les idées préconçues et les appréhensions se manifestent dans une démarche vestimentaire sous forme de résistances face à la nouveauté ou à l’expérimentation d’un style vestimentaire et les raisons évoquées sont la plupart du temps de faux fuyants : l’argent, le corps trop comme ceci ou comme cela, l’âge, le type de travail, etc. Ces facteurs influencent nos décisions, certes, mais sont-ils sincèrement les vrais facteurs de ralentissement à notre évolution vestimentaire? C’est ainsi qu’on échafaude un mur derrière lequel on se croit à l’abri de nos peurs. Parlez-en à Donald Trump.

Pour surmonter une peur, il faut d’abord la reconnaître et admettre qu’elle nous fait emprunter des chemins de traverse pour arriver à nos fins. « Peur » est un terme générique qu’on imagine peu flatteur parce qu’il est associé à tords à de la faiblesse, à un manque de volonté ou à l’absence de courage. La peur camoufle de la gêne, de l’anxiété, du doute, de l’inquiétude.  La peur d’avoir l’air de…est couplée à l’importance que nous accordons à l’opinion des autres. La place qu’occupe le regard de l’autre dans nos décisions d’ordre vestimentaire est considérable et reconnaître ce fait demande une bonne dose d’humilité et de conscience. L’avis des autres, si trop préoccupant, diminue le goût du risque et alimente l’obsession de la faute de goût. C’est ainsi que nos craintes empiètent sur notre créativité et qu’en fin de compte nous avons la triste impression de nous effacer. Attention aux décisions péremptoires si nous souhaitons évoluer vers une démarche vestimentaire.

J’ai répertorié des « peurs » formulées dans mes ateliers. Je vous en propose quelques-unes. Je vous suggère aussi de lire la liste à quelques reprises avant de cocher les peurs qui vous interpellent.

La peur…

□  du ridicule

□  de déplaire

□  d’être envié

□  d’être déstabilisé

□  de recevoir des commentaires négatifs

□  de faire vieux

□ de faire jeune

□  de perdre son authenticité

□  de ne pas être à la hauteur

□  d’être utilisée en se montrant trop féminine

□  de faire riche (parvenu, chiant, snob)

□  de ressembler à son père ou à sa mère

□  d’être obsolète (faire d’une autre époque ou même quétaine)

□  de briller (dans un party, au bureau, dans la famille…)

□  de ne pas être pris au sérieux au bureau (de ne pas faire « crédible »)

□  du rejet, de l’exclusion du groupe d’appartenance, de l’abandon

□  d’être marginalisé (ou même davantage, si vous l’êtes déjà)

□   de ne plus attirer les regards sur soi, de ne plus être le centre d’intérêt

Les peurs qui entravent mon évolution vestimentaire :

Niveauxfaiblemoyen  élevé  
Peur 1 :   
Peur 2 :   
Peur 3 :   

Dans les peurs que vous avez identifiées :

Pouvez-vous donner un exemple précis de vêtements, de styles, de couleurs, etc. qui s’y rattachent? Par exemple, la peur du ridicule en portant un chapeau à larges rebords ou des lunettes à monture de couleurs (autres que brun, noir ou beige).

Dommages collatéraux

Avez-vous l’impression d’avoir capitulé face à certaines tenues que vous aimeriez parfois adopter ?

Défi

Pâques et le printemps sont à nos portes. Enfin, nous enlèverons nos pelures d’oignon et libérerons nos corps du stress hivernal. Quel défi seriez-vous prêtes à relever pour contrer cette résistance au changement qui vous habite? Période parfaite pour mettre en pratique vos résolutions.

Le personnage de Sherlock Holmes affirmait que « la peur, c’est de la prudence face au danger ». Se découvrir et se révéler par le vêtement ne met pas notre vie en péril et contrairement à l’adage qui dit : «En avril ne te découvre pas d’un fil» l’analyste en comportements vestimentaires rajoute : « En avril, on coupe tous les fils», surtout ceux qui retiennent nos peurs et notre difficulté à s’affirmer.

Luc Breton


CONDITION HUMAINE

Je reviens tout juste d’Argentine et je suis toujours imprégné par les discordances de ce vaste pays : les glaciers de la Patagonie au sud, les palmiers de Salta au nord, des zones désertiques encerclées par la Cordillère des Andes,  des villages aux influences de la Bolivie et du Chili.

Des heures et des heures de vol entre Montréal et la Patagonie où j’ai griffonné pour passer le temps, observé les gens dans les aéroports et les avions, pris des notes. Moi qui aime analyser les attitudes et les allures de mes semblables, cette coterie de voyageurs m’a comblé. J’apprécie ma vie en silo à la campagne. mais les bains de foule me stimulent.

Les touristes forment une micro société ayant des caractéristiques semblables aux autres tribus : des résignés comme ceux qu’on rencontre dans les salles d’attente des hôpitaux, des pressés par le temps qui font les cent pas en grommelant, des angoissés qui vérifient aux 15 minutes l’heure de départ de leur avion et qui s’inquiètent des conditions de vol et ceux qui se la jouent cool en actant le personnage du voyageur professionnel, le vagabond des temps modernes. Ces nomades parlent des langues distinctes, mangent des mets nationaux typiques, vivent sous des régimes politiques différents.

«Le voyageur est encore ce qui importe le plus dans un voyage». Isaac Félix, dit André Suarès.

 Chaque individu a une histoire, un secret, un complexe, une réussite ou un échec, une philosophie de la vie et de la mort, un rêve ou une désillusion, qui sait. Tous cependant ont en commun de devoir se vêtir quotidiennement et exposer leur corps au regard des autres. Cette réflexion me ramène aux partages que me livrent les participantes dans mes ateliers. Celui de Francine par exemple qui nous résume son histoire : « Mes parents aimaient que leurs enfants soient ronds. «Des enfants dodus sont des enfants dont on a pris soin», répétaient-ils. «J’ai 66 ans et toute ma vie j’ai lutté pour être mince et me défaire de mes habitudes alimentaires et vestimentaires tout comme mes deux frères».

Annie-Claude elle, nous partage à quel point l’environnement professionnel de son mari la démolit. « Pierre a un gros job, un gros char, une grosse maison. mais souhaiterait que sa femme soit effilée…comme les épouses de ses partenaires d’affaires». Cette situation la stresse, elle obsède sur ce qu’elle mange, fuit la présence du personnel de Pierre et a l’impression de se cacher.

Le drame ordinaire, celui qu’on croit sans importance parce qu’il y a tellement plus urgent sur la planète. N’y a-t-il pas plus sérieux sur la terre que détester son corps? Cette petite misère ordinaire de ne pas s’apprécier à sa juste valeur crée pourtant des dommages collatéraux : mauvaise évaluation de son potentiel, manque de confiance en soi, diminution de son pouvoir d’action, doute sur ses capacités esthétiques et son charme, critiques acerbes sur sa personne et ainsi de suite. Nous sommes si maladroits et démunis devant la déconvenue de quelqu’un qui verbalise son malaise physique tout comme son malaise psychologique que la réponse la plus expéditive est souvent : « Ce n’est pas si pire », «Voyons, tu exagères». Le sujet est encore tabou parce que considéré comme non prioritaire dans la vie de quelqu’un et que ce thème du corps et du vêtement est associé à «l’artificiel». Soigner son intériorité est tellement valorisé et dans les tendances de l’heure qu’on lui accorde beaucoup de place aux dépens du désarroi face à l’image visuelle. L’apparence extérieure est plus facilement sujette aux commentaires et aux préjugés que l’apparence intérieure. A beau mentir qui vient de loin, les faux-semblants de la paix intérieure sont aussi fabriqués que les personnages que nous jouons maladroitement avec certaines de nos tenues.

Véronique Cloutier affirmait dernièrement à son émission de radio «qu’elle a l’impression de se faire chicaner sans arrêt». Cette affirmation nous parle en partie du climat social actuel : la dictature du bonheur, la gestion obsessionnelle du poids, le «bien se nourrir» sinon…, la religion de l’exercice, la santé comme une vertu à mériter. Javelliser nos façons de faire et d’être en claquant des doigts. Être aux aguets pour s’assurer qu’on fait la bonne affaire en tant que parent, travailleur, ami, amant, avec nos vêtements, nos collations, nos réflexions, nos compliments et nos revendications. On nous intime de lâcher prise, de se choisir, de se garder du temps pour soi. Je suis épuisé juste à le mentionner et l’écrire. Tout cela risque de nous mystifier.

À l’image de la planète, de ses reliefs, ses climats, ses contrastes et ses changements, nous sommes en mutation.

«La vie est un voyageur qui laisse traîner son manteau derrière lui, pour effacer ses traces», LOUIS ARAGON, Les Voyageurs de l’impériale, Gallimard

Luc Breton


Luc Breton – Auteur

Pour commander en ligne Le cimetière des aveux,
suivre ce lien : https://boutique.bouquinbec.ca/le-cimetiere-des-aveux.html

Disponible aussi en librairie :
Librairie Appalaches, rue Wellington Nord à Sherbrooke
Librairie L’Euguélionne, rue Beaudry à Montréal

Luc Breton est natif de Marbleton dans les Cantons de l’est. Après plusieurs décennies à Montréal il s’installe à Eastman en 2002. C’est là qu’il développe son concept Je vêts bien sur les comportements vestimentaires. Il sillonne le Québec avec ses conférences et ses ateliers depuis 2005.

Mais son premier roman d’autofiction Le cimetière des aveux ne traite pas de son savoir mais de son histoire. À partir d’un fait vécu dans son village, il relate le parcours d’un homme qui retourne dans son village natal. Des souvenirs des années où il a subi du harcèlement et de l’humiliation refont violemment surface. Ce qui caractérise ce livre est le parallèle qu’on peut faire avec la société d’aujourd’hui où l’intimidation est devenue monnaie courante sur les réseaux sociaux, dans les cours d’école et les arénas.

Geoffroy Gamache, le personnage principal de ce roman, organisera afin d’aider d’autres âmes blessées, un rituel d’apaisement dans le cimetière de son village, une mise en terre des rêves brisés, des espoirs déçus. « Voilà pourquoi les pierres tombales sont si lourdes, elles bloquent l’accès aux secrets. »

Pour chaque livre vendu, l’auteur verse 2$ au Journal de rue de l’Estrie. Ancien alcoolique toxicomane, sobre depuis 38 ans, cette cause lui tient à cœur et il croit qu’aujourd’hui encore, les tabous sur le sujet sont tenaces.

Pour rejoindre Luc Breton :

Tel: 514- 794- 9230


Pour ou contre le «mou»?

Article publié dans La Presse le 28 mars 2020 par Iris Gagnon-Paradis.

Alors que nous sommes tous confinés à la maison, certains célèbrent sans gêne leur amour du « mou » à longueur de journée. Pour d’autres, se vêtir comme si on allait au boulot permet de garder le moral. Êtes-vous plutôt #mou ou #antimou ?

La question, posée sur notre page Facebook, a suscité près de 150 commentaires en quelques heures. En cette ère d’isolement, c’est une question qui fait réagir.

Chacun sa relation au linge « mou ». « Mou jusqu’à midi. Anti-mou après le dîner », ont répondu certains. « Mou, mais cute », ont dit d’autres. Certains s’assumaient en pyjama toute la journée – ou même sans sous-vêtements ! –, d’autres évoquaient le fameux dress for success pour expliquer que, même à la maison, le mou, c’est non : « #antimou pour bosser. Tout le temps. Sinon, j’ai l’esprit mou ! », a écrit une personne. « Anti-mou en haut, mou en bas, parfait pour les vidéoconférences ! », ont répondu plusieurs, révélant de façon assez rigolote cette nouvelle réalité où on n’a qu’à paraître professionnel en haut de la ceinture.

La journaliste indépendante et romancière Isabelle Grégoire a l’habitude du travail de la maison. Pour elle, le mou, pas question : « Ça déprime trop ! ». « Cela fait 20 ans déjà que je travaille de la maison. Pour moi, c’est une discipline de travail. Si tu ne commences pas ta journée comme si tu allais travailler, c’est plus difficile de s’y mettre. Si j’étais en pyjama toute la journée, je ne me sentirais pas aussi… professionnelle. »

Luc Breton est analyste en comportements vestimentaires. Travailleur autonome, il se fait aussi un point d’honneur d’éviter le « mou » à la maison. « J’ai expérimenté le mou et la sensation de “s’encrasser” arrive vite. Ça induit un laisser-aller qui peut aller jusqu’à la procrastination. Et, après cela, lorsque j’ai un contrat ou une conférence en public, j’ai de la difficulté à me réadapter à mes “kits”. Je m’impose donc une routine de travail. Je trouve que cela me donne plus d’aplomb. La question est toujours : est-ce que le vêtement crée l’attitude ou est-ce que l’attitude bonifie le vêtement ? »

Il y a le mou organisé et pas organisé. On peut être en mou cheap, semi-cheap, haut de gamme ou griffé ! Ça peut coûter cher, s’habiller en mou !

Luc Breton, analyste en comportements vestimentaires

M. Breton évoque le concept de l’image sensorielle, développé par la psychothérapeute Aline Dagut, fondatrice de l’École parisienne de Gestalt, qu’il cite ici : « Quels qu’ils soient, les vêtements éveillent en nous des comportements qui sommeillent. Si je porte du fluide et du flou, cela va réveiller en moi la souplesse, la légèreté. Si j’enfile un vêtement sévère, c’est ma rigidité qui s’éveille alors. Le vêtement fait vivre tour à tour des parties de nous-mêmes. »

En effet, le choix de nos vêtements va influencer notre perception de soi et notre construction identitaire, fait écho Mariette Julien, professeure retraitée de l’École supérieure de mode de l’UQAM qui s’intéresse à la mode et à ses symboliques sociales.

« Le vêtement mou est beaucoup associé au confort et à la détente, on est dans un sentiment de lenteur et de facilitation. Mais ça peut changer notre perception de soi, explique-t-elle. Les vêtements comme les complets ou les tailleurs sont quand même associés à des valeurs comme la productivité. D’ailleurs, on remarque que le premier ministre Legault, après avoir adopté un code vestimentaire un peu plus relax, a ressorti sa cravate, peut-être influencé par le Dr Arruda, qui a tout une garde-robe pour un homme ! Ça donne le message qu’ils sont capables d’organiser et de gérer. »

Le mou, reflet du contexte social

Cela dit, M. Breton est conscient que son comportement est peut-être générationnel, la jeune génération ayant depuis longtemps adopté un code vestimentaire plus permissif au travail. Et que la situation actuelle est le moment parfait de se « mochiser », comme disent les Français.

« Pour plusieurs personnes, la situation est temporaire. Les gens en profitent, ça donne un côté vacances, plus permissif, ça aide à faire baisser la pression », analyse M. Breton.

Alors que la société est stressée et angoissée, le fait de ne pas trop être guindé donne un certain sentiment de contrôle sur la situation. Mais le danger, c’est de tomber dans la dictature du mou !

Luc Breton, analyste en comportements vestimentaires

Mariette Julien montre que la question du linge mou, en apparence superficielle, ne l’est pas autant qu’on pense. « Chaque crise sanitaire, chaque pandémie a amené de gros changements. Ce qu’on voit, ce sont des valeurs qui étaient déjà en place avant cette crise et qui s’affirment davantage, comme le linge mou, qui existe depuis 20 ans. Le linge mou, dans le contexte de la pandémie, c’est notre incapacité à contrôler la nature. Ça nous oblige à montrer une certaine humilité. »

Avez-vous remarqué que les égoportraits se font beaucoup plus rares sur vos réseaux ? « Actuellement, on voit beaucoup moins de personnes qui se mettent en image – ou, si elles le font, elles ne seront pas trop maquillées, par exemple, explique-t-elle. Parce que le monde est en crise sanitaire, ça devient presque ostentatoire, on ne veut pas trop être superficiel. Donc on a tendance à niveler vers le bas. »

Ainsi, on passe d’un « corps spectacle » à un « corps naturel ». « Ça fait en sorte que l’être devient plus important que le paraître, et le linge mou devient un symbole de cela, remarque Mme Julien. D’ailleurs, malgré l’importance de la crise, je ne sens pas trop en ce moment de morosité. C’est qu’il y avait déjà des changements à l’œuvre dans la société, et cette crise va nous amener à d’autres valeurs plutôt associées aux jeunes comme l’authenticité et le vrai. »

Lien vers l’article La Presse


UN FOULARD POUR CLAIRE

Foulard Claire 2Les foulards sont de parfaits cadeaux de voyage et prennent peu de place dans les bagages. Succès assuré. Presque toutes les femmes s’émeuvent devant la pièce de tissu qui se décline en carré, pochette, mouchoir, fichu ou écharpe. Le foulard protège des intempéries et de la pollution et réchauffe les timides du cou, mais il est d’abord un objet de sensualité et de féminité. Combien de têtes célèbres lui ont donné ses lettres de noblesse : Audrey Hepburn, Jackie Kennedy, Brigitte Bardot et Catherine Deneuve dans «Les parapluies de Cherbourg»?

De nombreux sites sur le web offrent des techniques pour nouer un foulard, mais peu se spécialisent dans son rôle social. Il est parfois un sujet mal compris, mal interprété. Qu’il suffise de penser à Pauline Marois qu’on qualifiait de bourgeoise avec ses écharpes griffées portées sur l’épaule avec une nonchalance étudiée et de qui on disait qu’elle tirait du grand.
Le foulard a connu aussi son lot d’échecs et sa cote, déparée. Je pense aux commères de mon village qui le portaient, noué sous le cou, pour garder bien en place les rouleaux à friser sur la tête pour ensuite pavaner le samedi soir venu leur chevelure boostée au fixatif. Ces handicapées du style paradaient ainsi dans le village avec cet affublement, potinant sur les autres et portant leurs défauts en écharpe.  Le personnage «La Sagouine» d’Antonine Maillet qui portait un couvre-chef mi-bonnet, mi-foulard aurait pu s’en inspirer.

Tissu de mensonges ou tissu de vérités, le foulard en version voile ou turban crée de la controverse et devient un objet politique. Autant le vêtement et les accessoires soulèvent de plus en plus souvent des débats sur les apparences au Québec, voilà maintenant que leurs rôles se politisent et que la symbolique des choses prend tout son sens. Le vêtement est outil de communication et parfois sa langue nous est étrangère, énigmatique.

CLAIRE
J’ai connue Claire en 1977 alors qu’elle était gérante d’un bar à Sherbrooke. Elle portait lors de notre première rencontre un foulard savamment installé à la gitane duquel dépassait une longue pointe qui se prolongeait jusqu’aux reins. Cigarette «Gauloise» entre les doigts et coupe de vin blanc de l’autre main, mon amie me donnait l’impression d’échanger avec Jeanne Moreau, assise dans un bistro à Marseille.
Orfèvre en matière de foulard, été comme hiver, Claire se démarquait avec sa tête emballée de tissus et de couleurs. Son look qu’elle défendait intelligemment nourrissait les différents personnages de sa vie, tantôt romantique, tantôt ingénue, parfois cueilleuse de petits fruits. Femme poreuse, elle savait doser et adapter ses sculptures de tête aux circonstances.

PARIS 1994
De passage à Paris en 1994 pour honorer un contrat de quelques jours, je me pointe à une friperie très prisée à l’époque et déniche un foulard de soie aux couleurs vives et aux motifs bigarrés, inspiré du créateur italien Emilio Pucci. J’ai tout de suite pensé à mon amie Claire me disant que ce fichu honorerait ses yeux bleus Claire … Malheureusement il restera en rade presque 25 ans, oublié avec d’autres cossins dans un tiroir.

Les souvenirs s’incarnent dans des objets qu’on garde précieusement dans un tiroir de la commode ou qui se perdent dans une bibliothèque à travers des bébelles achetées impulsivement. On les redécouvre aux périodes des grands ménages saisonniers, parfois avec étonnement et se demandant avec un peu de culpabilité pourquoi on a acheté ce bibelot qui n’est rien d’autre qu’un capteur de poussière.
Mais certains objets sont plus que de la simple matière, que de banals bidules. Ils sont habités par la présence d’un être cher. Les regarder, les manipuler, les sentir, peut émouvoir aux larmes. Ils nous lient à ceux qu’on a aimés et même à ceux qui nous ont peinés.

MONTRÉAL 2014
Le verdict est sans équivoque. Un cancer fulgurant laisse peu d’espoir quant à la guérison de Claire. Je suis consterné. Le foulard! Le foulard me revient en mémoire. Pourquoi? Je ne sais pas. La triste nouvelle a fouetté mon lobe frontal ou mon cervelet et a puisé dans ma réserve de tendresse pour se manifester.
On se parle au téléphone et le sujet du cancer est à peine abordé. Mon souffle est court et mon cœur bat trop vite. Je suis maladroit et bouleversé et le maudit foulard m’obsède.
Je lui acheminerai mon cadeau via des amis qui l’accompagnent à l’hôpital. Claire décédera quelques jours plus tard, en pleine période des Fêtes. Ironie. Nos amis me transmettront ses remerciements pour le foulard.

Comme un tapis volant, le foulard voyage à nouveau. Une nièce le porte fièrement au cou ou accroché à son sac à main en souvenir de sa tante, un neveu l’a encadré pour enjoliver une pièce de sa maison qui a besoin de joie, quelqu’un l’a expédié dans un centre de récupération après avoir vidé l’appartement de mon amie. Peut-être est-il retourné dans une boîte au fond d’un tiroir, oublié pour un autre quart de siècle, mais toujours il sera habité par une parcelle de l’âme de Claire.
« Léger comme un rayon de lune, sensible aux moindres nuances de ton souffle, le foulard à ton cou savait tout de ton âme. » Christian Bobin, Noireclaire

Le vêtement et l’accessoire sont des témoins de notre parcours de vie et à leur façon ils racontent des pans de notre histoire.


LA SYMBOLIQUE DES BRACELETS

Quand j’ai entrepris ma recherche sur les habitudes et les comportements vestimentaires il y a une vingtaine d’années j’allais dans toutes les directions, tout m’intéressait : le langage non verbal, la synergologie (sollicitations digitales), la psycho-anatomie, la morphogestuelle, la morphopsychologie, etc. Mon besoin de comprendre l’humain et ses parures était insatiable. Mais j’ai rapidement constaté que ce qui intéressait davantage les gens était la symbolique des accessoires. Parce que la symbolique des choses intrigue tout comme l’horoscope, le tarot, la clairvoyance. On se défend bien d’y croire, mais au fond de nous-mêmes, timidement et souvent sans en parler à nos proches, nous explorons ces mystérieux domaines, question de savoir et de comprendre le pourquoi du comment et aussi pour être rassurés sur nos comportements et notre avenir.

NOS ACCESSOIRES PARLENT DE NOUS

Mon intérêt pour la symbolique a été exacerbé quand, en feuilletant les albums de famille, j’ai découvert avec stupéfaction que je portais dès l’âge de 8 ans un bracelet au poignet droit.

Luc et Christine bracelet-recadrerCette photo en noir et blanc où je pose avec ma sœur cadette a ouvert une porte, une grande porte sur la compréhension de mon cheminement personnel et de mes empreintes vestimentaires. Je comprends aujourd’hui qu’enfiler un bracelet, pour moi, est plus qu’un geste anodin, une banalité et cela va bien au-delà de la symbolique.

Mes bracelets parlent de mon époque. Nous sommes à la fin des années 1950 dans un petit village des Cantons de l’Est, en pleine période d’obscurantisme du clergé au Québec où tout n’est que péché et reproche. Comment se fait-il qu’un gamin de 8 ans porte un bracelet dans un bled où il n’y a qu’un magasin général pour s’approvisionner, et où «qu’est-ce que le monde vont dire?» fait loi. Mon père, camionneur à l’époque, ne semble aucunement courroucé par ce geste de

son fils. Cela me rappelle le rapport tordu qu’entretenaient mes parents avec le clergé et l’autorité en général.

Ce pourrait-il qu’à un si jeune âge mon goût pour la différence, mon besoin de m’affirmer, me décorer, me déguiser ait été si développé? Ou l’ai-je fait par mimétisme en copiant ma mère ou ma marraine très présente dans ma vie. À moins que ce ne soit qu’un jeu d’enfants où ma jeune sœur me l’a enfilé pour rigoler.

Mais l’histoire du bracelet ne s’arrête pas là, il fait partie de ma feuille de route vestimentaire. En replongeant dans mes albums de photos, force est de constater que mon port du bracelet est atemporel. Il m’accompagne partout, dans toutes les circonstances, un compagnon d’infortune, un tatou non permanent.

Plus qu’une question de simple tendance, mes bracelets sont le prolongement de ma personne, ma marque de commerce et donnent le ton à ma signature vestimentaire. Pas étonnant que Chantal Lamarre, dans sa chronique «Parlons guenilles» parue dans La Presse + le 18 mai 2018, titrât: «Luc vêt bien» et écrivait : « L’homme devant moi porte…. Et, au poignet droit, des bracelets fins et ouvragés». Mon rituel de porter des bracelets se situe au-delà de la coquetterie et du goût de plaire. Ce n’est pas un geste fortuit.

MON COFFRE À BRACELETS

Mes bracelets racontent mon histoire et chacun me remémore une partie de ma vie. J’y reconnais aussi mon évolution à travers les décennies. Certains sont démesurément larges et costauds (les années 1980), d’autres plus fins de ma période minimaliste, des artisanaux achetés aux Métiers d’art dans les années 1970 (Chaudron), un Caroline Néron reçu en cadeau en 2015, des chaînettes, des gourmettes, des tapageurs bling-bling, de l’ivoire qui me rappelle l’inconscience d’une certaine époque, des souvenirs de voyage de Barcelone, Cancun, Athènes, Bali, Hong Kong, New York.

LE POIGNET DROIT, TOUJOURS

Bien que j’aie un fort penchant pour le design et la nouveauté, je demeure encroûté dans mes habitudes vestimentaires. Jamais de bracelets aux chevilles, ce n’est pas dans l’ordre des choses. Cette réflexion trahit ma rigueur et témoigne d’un fond de conservatisme qui m’habite. Mon seul écart de conduite a été d’enfiler durant une courte période mes bracelets au poignet gauche pour accompagner ma montre. Cela était sexy disait-on.

Résolument, je porte à droite. «Une batterie de bracelets au poignet droit indiquerait aussi un besoin de se protéger contre l’influence paternelle ou l’influence de celui ou celle qui a repris le rôle du père. La même batterie de bracelets au poignet gauche révèle, elle, un besoin ou une envie de se protéger contre l’amour envahissant d’une mère abusive». CES OBJETS QUI NOUS TRAHISSENT, Joseph Messinger.

L’idée de ce texte m’est venue en décembre dernier en marchant sur la plage au Mexique avec ma sœur, celle qui se tient debout à mes côtés sur la fameuse photo de mes 8 ans. Nous avons croisé lors de cette ballade dans le sable un gamin de 7 ans à la chevelure noire de jais accompagné de son père. Mon attention s’est portée sur le bracelet en argent que portait le garçon au poignet droit. L’accessoire brillait au soleil et contrastait avec sa peau colorée par les vents chauds du sud. Un simple bracelet, porté par un enfant m’a ramené à des kilomètres de là et à 60 ans en arrière.

Mes bracelets seraient-ils des menottes qui m’enchaînent à ma différence, à mon enfance, à mon esthétisme? Qui ose dire que les accessoires ne sont que quincaillerie? À la St-Valentin, si Cupidon vous offre un bracelet, pensez à moi


COMPRENDRE LE VÊTEMENT PAR LA MUSIQUE

Une des façons les plus efficaces que j’ai trouvée pour faciliter la compréhension de nos habitudes et comportements vestimentaires est d’utiliser la métaphore c’est-à-dire la ressemblance qui existe entre deux activités ou comportements. Par exemple, en observant vos façons de faire, remarquez-vous que la gestion de votre garde-robe ressemble étrangement à la gestion de votre garde-manger et que votre mode de magasinage est calqué sur la manière de conduire votre voiture? Même si la formule est simple cela apparaît comme une hérésie pour certaines personnes parce que non scientifique. Mon champ d’action est intuitif et non discursif.

Comme le vêtement, la musique occupe une place d’importance dans mon quotidien. À la fin de l’après-midi juste avant de m’attaquer aux chaudrons pour le souper, mon passe-temps favori est d’explorer de nouvelles tendances musicales et écouter de nouvelles voix. Je prête le même intérêt aux blogueuses, aux infolettres et aux articles sur le vêtement. Dans les deux cas, je n’y trouve pas immanquablement des chefs d’œuvre. Parfois même, la redondance, l’insignifiance et le plagiat sont aux premières loges. Bien que mes recherches ne s’avèrent pas toujours fructueuses, cet exercice entérine ma conviction que mettre en parallèle la musique et le vêtement aide à vulgariser notre relation au vêtement tout comme on pourrait le faire entre l’alimentaire et le vestimentaire, le vêtement et l’écriture et ainsi de suite. Notre relation au vêtement n’est pas étrangère à nos autres actions.

LES EMPREINTES

Nos goûts, nos passions et nos intérêts proviennent souvent du passé. Ils se sont installés dans notre mémoire et contribuent parfois à expliquer nos habitudes actuelles. Enfant, dans ma famille, la musique était omniprésente. Du «Moon river» d’Andy William et aux chansons de l’imbuvable Engelbert Humperdinck

qu’écoutait mon père, le tempo changeait radicalement quand les aînés prenaient le contrôle du meuble Hi-Fi ou du minuscule pick-up à 45 tours.

Cela explique en partie pourquoi j’affectionne tant l’émission «En direct de l’univers» à Radio-Canada. Les questions posées par France Beaudoin à ses invités me rappellent ces périodes de ma vie non seulement parce que je peux associer à chacune d’elle une de mes phases vestimentaires mais aussi parce que je peux métaphorer. Parmi ses questions, j’ai sélectionnées celles qu’on peut transférer au vêtement. Il suffit de remplacer le mot «chanson» par «vêtement». Chanson (tenue) liée à son premier emploi, chanson (vêtement) plaisir coupable, chanson (style) dont on ne se lasse pas, musique (kit) qui rappelle le premier amour.

ÉMOTIONS ET SENTIMENTS

Pour paraphraser Marie-Louise Pierson, psychanalyste et auteure de L’Image de Soi, « On ne s’habille pas d’étoffes, mais de sentiments et d’émotions ». Et si on appliquait cela à la musique…

* «…tu penses trop à comment tu chantes de sorte que je ne te crois pas complètement » Patsy Gallant. Je rajouterais : tu penses trop à comment tu t’habilles. Autrement dit, être dans la performance enlève de l’âme, de la conviction.

* « Tu chantes ce que tu es » Mathieu Provençal, (tu portes ce que tu es)

* « Cette chanson ne fait pas ton âge » Sonia Bénezra, (ce vêtement ne convient pas à ton âge)

OUTIL DE COMMUNICATION

Le vêtement au même titre que la musique est un outil de communication.

* « C’est que chanter c’est une façon de communiquer » Jean-François Breau. Ainsi en est-il du vêtement.

* « C’est la force des chansons, elles parlent de nous » Daniela Lumbroso, TV5. Idem avec l’apparence vestimentaire.

* «Parfois, c’est la guitare qui commande le style musical», Richard Séguin

Parfois, c’est le foulard qui inspire le style vestimentaire

ILS ONT DIT

Les expressions foisonnantes sur la musique sont légion et de toute évidence elles s’appliquent au vêtement. En voici quelques exemples :

* « Le blues, il faut le porter » Johanne Blouin

* « Un habit fait sur mesure » Mario Pelchat, au sujet d’une chanson qu’un Français lui a offerte à Paris pour son disque en 2014

* «Quand on habille une chanson avec des arrangements bien étoffés ». Jean-François Breau

VÊTEMENT et MUSIQUE

Je vous propose ici des expressions utilisées dans le milieu de la musique et que je transfère dans le vêtement pour appuyer ma méthode :

– Instrument bien accordé (vêtement bien coordonné)

– Ne pas être sur la note (être en décalage avec ce qu’on porte)

« C’est le ton qui fait la musique » (c’est l’intention qui dicte le kit)

-Un ver d’oreille (le mot «petit» : une petite robe, un petit soulier, un petit foulard…

-Un texte supporté par la musique (un vêtement habité par vos caractéristiques)

-La musique est l’art de mélanger des sons (s’habiller est l’art de coordonner émotions et sensations)

-Placer sa voix (habiter son vêtement)

– Chanter des banalités (porter des futilités)

– Croire à ce que tu chantes (croire à ce que tu portes)

La musique et le vêtement sont les deux faces d’une même pièce. Ils transcendent notre nature profonde et éveillent vibration, résonnance, joie, angoisse. La sensation qui nous habite à leur contact n’est pas toujours déchiffrable.

Je vous offre pour la finale, cet extrait d’une chanson de Laurence Jalbert :

« Mes larmes me servent de collier »


LE VÊTEMENT, MOYEN CRÉATIF DE S’OBSERVER ET DE S’ÉMANCIPER

Dans le cadre de mon travail, je donne beaucoup de conférences sur les habitudes et les comportements vestimentaires des gens. J’explique clairement que je m’intéresse à l’aspect humain du vêtement et non à son point de vue esthétique, stylistique et marketing. J’amène alors les participantes à une prise de conscience qui leur permet d’identifier les obstacles qu’elles mettent inconsciemment sur leur route et qui compliquent leur épanouissement vestimentaire.

Dernièrement, je m’adressais à un groupe de spécialistes dans le cadre d’un colloque sur l’apprentissage et la formation sur le web. J’étais franchement impressionné d’entendre toutes ces données sur le futur, l’avenir des méthodes de formation et les outils sur l’intelligence artificielle créés par les chercheurs. J’étais davantage ébranlé de constater l’écart qui existe entre les avancées de la technologie et le peu d’information disponible encore aujourd’hui sur la dynamique qu’un individu entretient avec son vêtement. Comment d’un côté peut-on se projeter dans le futur et développer autant d’expertise sur «demain» et d’un autre côté être incapable de résoudre «aujourd’hui» la conjoncture du manque d’estime et de confiance face à l’apparence auxquelles sont confrontés quotidiennement tant de gens ? Comment se fait-il que le vêtement participe à notre vie de la naissance jusqu’à la mort et que presque personne, durant toutes ces années, ne nous enseigne à dialoguer avec cette deuxième peau qu’est le vêtement?

Mon discours se situe à des années-lumière des faiseurs d’image et de ceux qui ne voient dans le vêtement qu’artifice et caprice de l’ego. Il n’est donc pas surprenant de constater que les gens plutôt que de pratiquer l’introspection quand survient un conflit dans leur relation au vêtement se tournent vers les réponses toutes faites, les trucs, les «à faire» et «à ne pas faire» jusqu’à ce que la prochaine crise identitaire et vestimentaire survienne. On tourne en rond.

À preuve, après cette conférence dont je faisais mention précédemment, plusieurs participantes sont venues à ma rencontre. Toutes leurs questions, sans exception, sous-entendaient des réponses formatées et des solutions faciles à appliquer, non compromettantes.

«N’oublions pas que nos manières d’être face au vêtement se rapprochent curieusement de nos comportements face aux autres domaines de nos vies. Le vêtement est un moyen créatif de s’observer et de s’émanciper.» C’est ainsi que je terminais ma première chronique du 7 novembre pour Les Radieuses :

En voici quelques exemples.

LE BESOIN DE VALIDER- Le vêtement approbation

Une femme dans la fine trentaine, plutôt timide, toute de blanc vêtue sur peau bronzée artificiellement, me demande mon avis sur son look. «Je ne fais pas de stylisme n’y d’évaluation esthétique» lui dis-je. « Mais j’aimerais bien savoir ce que vous en pensez de votre tenue ». SILENCE. «Vous vous adressez à l’homme ou au spécialiste?» MALAISE.

Cette femme veut être confortée dans ses choix et s’assurer qu’elle plaît, mais pense que tout cela viendra de l’extérieur, d’un spécialiste, cette panacée des temps modernes.

COMMUNIQUER PAR LA COULEUR- Le vêtement mortifère

Derrière cette participante, une autre femme, flegmatique, attend pour me parler. Même scénario, «J’ai adoré vous écouter, mais…»

-Je suis toujours habillée en noir, vous trouvez cela normal vous?

Moi -vous, vous en pensez quoi? Est-ce votre marque de commerce?

-Des fois je mets une touche de couleur, les gens au bureau applaudissent.

Moi -qu’est-ce qui vous dérange dans le fait de porter du noir? Pensez-vous que cela cache quelque chose? Procédez-vous à l’identique dans d’autres domaines

de votre vie? Par exemple, votre maison est-elle monochrome comme vos choix vestimentaires?

Je n’ose allez plus loin, faute de temps, mais je brûle d’envie de lui demander si le vêtement noir est un vêtement d’opinion pour elle ou simplement un facilitateur, un vêtement sécurité.

SPORT-CONFORT-RÉCONFORT- Le vêtement trompe-l’œil

Une toute petite dame à la tempe parcheminée, cachée derrière la femme en noir surgit. Si menue que je ne l’avais pas aperçue. «Monsieur, me lance-t-elle d’un ton inquisiteur, vous n’avez pas parlé du confort»

Moi- qu’est-ce que vous aimeriez savoir sur le confort madame?

«Rien! Je trouve que le confort est plus important que la mode»

Moi- je n’ai pas parlé de la mode madame. Qu’est-ce que le confort pour vous?

«C’est être bien, à l’aise.»

Moi- cela n’enlève rien à la mode, vous ne pensez pas? Tous les vêtements peuvent produire cet effet.

«Non-monsieur! Les vêtements à la mode sont faits pour les jeunes. On est trop pognés dedans. Ça prend des vêtements de sport.» Quel prosélytisme, me dis-je.

Cette dame essaie de me convaincre que vieillir n’est pas synonyme de manque de vitalité et son vêtement placébo lui permet de penser qu’en revêtant une tenue de jogging ou de marche nordique avec ses bâtons elle ne projettera pas l’image d’une femme vieillissante, mais l’image guillerette d’une personne qui défie le temps. Elle confond confort d’un vêtement à réconfort du regard positif de l’autre. Confort physique, confort moral.

LE FIN MOT DE L’HISTOIRE

Qu’est-ce qui est le plus exigeant, choisir une tenue ou s’inquiéter à savoir si elle plaira? Qu’est-ce que le confort si ce n’est l’absence de jugement et de commentaires sur nos choix vestimentaires davantage que sur la coupe et la

matière d’un vêtement? De là toute la différence entre «porter» et «subir» un vêtement.

Pour vos sorties de Noël, que porterez-vous? De l’affirmation, de la couleur, de la retenue, de la contestation, de la soumission, de la joie, de l’indifférence.

La nouvelle année vous donnera peut-être l’opportunité de revoir vos états d’âme face à votre signature vestimentaire.