Gay, la mode?

Bon nombre d’entreprises ont exploité  le filon publicitaire du créateur de mode efféminé soit pour se rehausser en diminuant les designers, soit pour alimenter la rumeur voulant que gay soit synonyme de bon goût. Les personnages de Armand et Albert de la compagnie Reitmans, celui du coiffeur plus gay que gay de Claude Meunier pour Pepsi n’en sont que quelques exemples.

L’INDUSTRIE DE LA GUENILLE OU DE LA GAY-NILLE?
Que dire de cette propriétaire d’agence de mannequins à Montréal qui reprend cette infamie entendue en France : « Les créateurs de mode privilégient les mannequins minces parce qu’ils leur rappellent les corps des jeunes hommes ». Nos créateurs ici n’ont pas le contrôle de l’industrie ni cet esprit tordu.
Le titre de ma chronique s’intitulait initialement « FIF  AVE ». Mais la fifure a les temps durs depuis les commentaires concernant le patineur américain aux jeux olympiques et la rafale d’excuses de l’un et de l’autre concernant l’utilisation du terme fif. Le récent livre de Jasmin Roy sur le gay bashing couronne le débat.
Y a-t-il des professions gay et des métiers hétéros; des sports gay et des activités hétéros; des voitures gay et des chars hétéros; un look gay et une allure hétéro? Oui et non, répondrez-vous timidement. Cela dépend…Se prononcer est périlleux. Comment différencier réalité et préjugés?

DÉTAPETTISER LA MODE
Pour « détapettiser » la mode, il faut connaître les rouages de cette industrie. On surestime le pouvoir des designers de mode dans les étapes d’un produit,  de la naissance du concept en passant par la production jusqu’à le vente du vêtement en magasin. L’idée persistante que la mode est un diktat imposé par les créateurs est solidement ancrée dans l’opinion publique. En voici un bel exemple :
« J’ai toujours été convaincu que les femmes seraient au désespoir si la Nature les avait faites comme la mode les arrange ! Ce qui m’ébahit, c’est l’ardeur qu’elles mettent malgré tout à la suivre, croyant que la chose les embellit alors que ses diktats sont souvent d’un ridicule consommé. Si, au moins, elles pouvaient prétexter la torture. Même pas ! Vraiment groupies, ces nanas et leurs mémés.
Et voilà qu’on voudrait nous faire le coup à nous aussi. Attention les gars, faudra pas tomber dans le panneau. Non mais, franchement, avez-vous vu ces tenues de gringalets filiformes qu’on voudrait nous faire endosser ? Quel mâle, fier de son état, voudra s’attriquer de la sorte, sinon ces mignons à la mine patibulaire pour faire jouir leur dandy de couturier ?
Et on voudrait nous faire croire que les filles vont craquer pour ça ? Peut-être les échalotes de même cépage qu’eux puisqu’ils font bien la paire. Mais assurément pas celles qui sollicitent autant notre attention que notre concupiscence. »  La mode et les gars par André Gareau  (M.A.), sexologue. Magazine Aubry & Cie, 2009

Une tendance vestimentaire, comme un texte, doit parfois être extravagante pour qu’on en retienne l’essence. On se fie à l’intelligence du citoyen pour faire la différence entre un prototype et un objet de grande consommation tant en architecture, en design qu’en construction automobile. Les « pitounes » des Salons de l’auto de ce monde sont-elles plus représentatives des chars que le sont les mannequins mâles des looks en devenir?


Alice au pays des corbeilles

Les décorateurs et les stylistes en aménagement intérieur ne sauraient faire mieux. Le placard d’Alice Major mérite une mention d’honneur. Boîtes décoratives qui s’emboîtent comme des poupées gigognes, paniers en osier, étagères à chaussures, tout s’harmonise parfaitement. Une place pour chaque chose, chaque chose à sa place. Autant d’ordre la réconforte, l’apaise et contraste avec sa carrière plutôt chaotique. Contrairement à ses amies, Alice ne prend aucune résolution à Noël mais plutôt à Pâques. L’approche du printemps l’inspire et le goût du grand nettoyage de sa penderie se manifeste immanquablement à la même période. Avec tout son sens de l’organisation, on parle plus de dépoussiérage que de ménage.

À chaque fois, ses démons viennent la hanter. Les « il faudrait bien que je me débarrasse de ceci », « je devrais donner cela » et les  « bon pour la poubelle! » refont surface. Le questionnement est de courte durée puisque madame « finalement je garde tout » ne peut se résigner à élaguer son walk-in. Tout un pan de son histoire est scellé dans ses petits contenants et ses housses à vêtements. Elle remballe les squelettes de son placard en se promettant de faire un effort à l’avenir  pour diversifier ses tenues. Mais elle retombe à chaque fois dans les mêmes ornières et son style morne correspond à sa peur du risque.

Voyage au bout de la penderie
Pourquoi un tel attachement à ses choses? Que cache son sanctuaire vestimentaire? Des secrets de famille,  des mystères, de la honte, de la pudeur? Quels sont ces freins intérieurs qui la dominent et l’empêchent de franchir une étape afin de progresser dans une démarche stylistique? En sécurisant le placard elle se sécurise elle-même contre les assauts de l’extérieur.

Ses relations amicales sont aussi compartimentées. Pierrot pour le théâtre, Mireille pour la raquette, Sonia pour les restos et Linda pour le périple annuel en Floride. À l’image de sa méthode de classement, sa routine de vie est réglée au quart de tour. Alice est consciente qu’aérer la penderie entraînerait une nouvelle perspective, un recul bénéfique mais sa résistance à éliminer des vêtements est à la hauteur des fausses croyances qu’elle entretient à son égard. Jeter ses kit correspondrait-il à jeter ses malaises? Seraient-ce ses angoisses qu’elle enveloppe dans des papiers de soie?  Plus de permissivité dans son look et de détachement envers sa caverne à trésors l’amèneraient vers plus de spontanéité dans sa vie sociale et professionnelle, plus d’ouverture à l’imprévu et à la nouveauté.

Qu’est-ce qui fait défaut? Le design intérieur de la penderie ou « l’incertain » intérieur de l’humain qui range ses émotions et ses sentiments avec ses étoffes, ses chaussettes et ses breloques?


Cupidon a du plomb dans ses caleçons

« Sage comme une image, propre, messager du bonheur, discret, cherche travail urgemment. Vous pouvez me rejoindre à 1-800-CUPIDON ». Référence 140210.
Quelqu’un veut-il accorder une seconde chance à notre petit ange de l’amour et lui donner du boulot ? Sombre période pour la simplicité et la gratuité des émotions et des sentiments. Être ou ne pas être romantique ? Fleurs ou chocolats ? Dildo ou vidéo?

Le romantisme a-t-il un sexe ?
Selon une étude, quand on demande à un couple quel cadeau  fait le plus plaisir à recevoir, les femmes répondent un séjour dans un spa incluant massage et souper à la chandelle alors que les hommes souhaitent une nuit de sexe à l’hôtel et des billets de hockey. « Elle réclame du sentiment pour accéder au sexuel quand l’homme exige du sexe pour ouvrir aux sentiments ».

La séduction
Pressés, compressés et oppressés que nous sommes et stimulés par tant d’images sexuelles, érotiques et cochonnes, comment Cupidon pourrait-il intervenir dans nos rencontres amoureuses? Trop « clean » le chérubin à la physionomie enfantine? Il ne peut concurrencer avec  Beyoncé, Lady Gaga ou Anne-Marie Losique, aussi botoxée que la mère de Brenda Montgomery et plastifiée comme les personnages d’un musée de cire.

Si le romantisme bat de l’aile, la séduction, elle, occupe une place de choix dans nos activités quotidiennes et se manifeste de façon insidieuse dans nos vies. Plaire ou séduire nécessite le support du corps et du vêtement. « Si seul le regard des autres est interpellé, le séducteur ne peut compter que sur la silhouette, les vêtements et les parures du corps, coiffure, chaussures, accessoires, bijoux, maquillage. Mais dès que les autres sens sont sollicités, l’habillement perd de son intérêt. La voix, le discours, la gestuelle, le parfum prennent le relais.
Même relativisé, le rôle du vêtement dans l’ensemble des instruments de la séduction conserve son importance, surtout dans la première phase d’accroche de l’intérêt. » Magazine Psychologies.
Aussi, plus le niveau d’intelligence vestimentaire d’un individu est élevé, plus ses chances de contrôler le jeu de la séduction sont assurées.

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Sachant que si je m’habille comme :
Un cadeau, tu me déballeras
Un rocher, tu m’escaladeras
Un fantôme, tu me craindras
L’homme invisible, tu m’ignoreras
Un ado, tu me discréditeras
Un diamant, tu m’exhiberas

Et que si mon look est :
Excentrique, tu me marginaliseras
Sévère, tu me redouteras
Coincé, tu me domineras

Quels vêtements allez-vous dégoter pour la St-Valentin et quel look allez-vous exploiter?
Mais Cupidon persiste et signe : « Je vous répondrai par la bouche de mes caleçons ».


Slow food, slow mood, slow mode

L’air du temps traduit le climat d’un groupe ou d’une société. Saison après saison, année après année, des thèmes se dessinent dans le paysage de la consommation. D’abord embryonnaires, ces sujets évoluent passant de tendances sourdes à tendances lourdes ou échouent carrément, le timing n’étant pas favorable à leur éclosion. Certains concepts sont prévisibles, d’autres spontanés et leur temps d’infiltration dans les mœurs ou les habitudes de consommation varient de quelques mois à quelques années.
Le Slow wear nous démontre bien ce phénomène. Précédé par le Slow life et le Slow food des années ’90, ce courant s’installe plus solidement avec  le concept du Slow design en 2004,  popularisé par Alastair Fuad-Luke. Quant à lui, le sociologue italien Carlo Petrini utilise plutôt le terme « Malfringue » qui s’inscrit dans la ligne de pensée de la malbouffe.
Slow wear, slow mode, slow fashion, tous ces termes nous renvoient à une mode éthique, c’est-à-dire connaître la provenance des vêtements, l’impact écologique et économique de nos habitudes reliées aux fringues. Le Slow fashion n’est pas tant de consommer moins que de consommer mieux en opposition au Fast fashion où les styles en magasin sont renouvelés à toutes les deux à six semaines. Notre univers personnel gravite autour de la consommation et de la surconsommation qui alimentent à leur tour la compulsion et  nourrissent l’impulsion. « L’hyperconsommation », terme utilisé par Gilles Lipovetsky dans son livre  Le bonheur paradoxal se définit comme la consommation basée sur l’insatisfaction permanente. La consommation, spécialement celle de produits éphémères comme la mode ne fait-elle pas office de calmant, particulièrement en cette période de crise?

L’intention est louable et on applaudit pareille initiative du Slow mais tout phénomène social émergent connaît des ratés et comme Analyste en comportements vestimentaires je suis préoccupé par les dérives possibles. Après les dictats du clergé dans les années 50, les dictats des tendances de la mode où les créateurs étaient vus comme des décideurs absolus dans les années ‘80, la pression et les dictats sociaux d’être les meilleurs en tout en 90, serons-nous maintenant sous la loupe des écolos? Les égos écolos remplaceront-ils les égos spirituels des zens, les égos culturels des intellos et les égos matériels de la finance? Remettrons-nous la mode au banc des accusés encore une fois?

« La slow fashion milite pour un retour aux vraies valeurs. L’essentiel, le vêtement utile. » Christel Carlotti, IFM. Quelles sont donc ces vraies valeurs?  Quelle définition donnons-nous à un vêtement utile? Cette école de pensée préconise aussi le retour du basique. Alors qu’on commence à peine à sortir de notre mentalité judéo-chrétienne où se trouver beau et élégant n’est plus signe de vanité et de prétention et que le style personnel fait son coming out, voilà que s’ajoute une nouvelle donne.

Les effets de ce courant seront bénéfiques ou pervers. Développer la conscience de la planète est primordial certes,  mais comment appliquerons-nous concrètement ces concepts dans une démarche stylistique ? Où logeront la coquetterie, la personnalité, l’identité et la profession de chacun? On ne peut se vêtir que de basiques, pas plus qu’on ne peut se décorer que d’accessoires ou ne porter que des vêtements « trendy ». L’équilibre suppose la balance de tous ces éléments.
L’éducation vestimentaire et la relation corps/vêture/conscience sont elles aussi embryonnaires chez nous. Leurs balbutiements s’harmoniseront-ils  à ceux des Slow? Évitons de développer le bien-être d’un côté et la culpabilité de l’autre.
Lentement mais surement!


La duchesse, la châtelaine et le fou du roi

Le hall de réception de leur entreprise s’apparente à un poste de commandement. La duchesse, la châtelaine et le fou du roi s’y rejoignent pour caqueter. À l’approche de quiconque, ils baissent le ton, ricanent, se regardent de côté. À l’heure du lunch le  procès des collègues est sans pitié. Le triangle infernal loge dans les bureaux d’architectes, chez les courtiers en placements, les agents d’immeubles, les salles de profs, partout où le terreau est fertile au commérage.

LA DUCHESSE
Fiche technique
Elle se pense indispensable puisque plusieurs lui doivent un service pour faveur obtenue. On la redoute parce qu’elle espionne les secrets de tous. Elle aurait voulu être une artiste, signer des autographes mais faute de mieux elle griffonne des bonds de commande. Pour gagner  sa confiance, les clients la complimentent et la réclament, profitant ainsi de son pouvoir d’influence. Elle confond fans et clients.

Quête
Quête d’admiration et de pouvoir. L’indifférence à son égard tue la duchesse.

Habitudes vestimentaires
Juste ce qu’il faut de détails de poitrine et de cuisse, là où l’œil s’arrête et l’indécence commence. Elle n’aime pas sa taille, ni ses hanches.

Style
Mi-romantique, mi séductrice

LA CHÂTELAINE
Fiche technique
Misogyne, elle en a contre toutes les femmes, spécialement celles qui sont en couple. Elle dénigre aussi leurs conjoints. Ses propos acrimonieux n’incitent pas à l’amitié. Sa lecture des autres est la description de son ombre : « Trop sexy, décolletée, vulgaire ». Vous adresser la parole est un  privilège pour ses interlocuteurs.

Quête
Quête de contrôle. La présence des belles femmes déprime la châtelaine et crée chez elle un sentiment de ballotage.

Habitudes vestimentaires
Favorise les robes sanglées à la taille créant ainsi des formes qui amenuisent son tempérament de gendarme. Ses ceintures symbolisent la goupille d’une grenade. Démarche de guerrière qui s’en va au combat. Ses pas sont bruyants.

Style
Elsa la louve. Dramatique sans théâtralité. Affectionne le noir. Elle vise la perfection pour elle et  l’exige aux autres. Refuse toute théorie démontrant le lien entre l’habillement et la personnalité.

LE FOU DU ROI
Fiche technique
Se situe entre l’hétéro molasse et le gay viril. Pantin de la duchesse sur qui il mise pour rencontrer quelqu’un. Rend des services à tout le monde sans exception. Redoute le rejet.

Quête
Quête d’amour. Il jalouse les gars bien dans leur peau.

Habitudes vestimentaires
Choisira ses tenues en fonction du potentiel amoureux des clients invités aux rencontres d’affaires. Son parfum trop lourd trahit son manque d’affirmation. Ce parfum, comme ses deux acolytes, se prononce à sa place.

Style
Preppy mal épilé. Sa forte pilosité le gêne et contraste avec son air bon enfant. Il camoufle alors son cou, son torse et ses bras. Ce look plutôt hermétique s’avère moins souffrant que l’épilation.

Cauchemar
Le pire scénario pour cette meute: l’embauche d’une nouvelle employée, diplômée et expérimentée ou d’un nouveau venu, tout en dents,  intelligent et griffé. Ils se sentiraient alors comme des stagiaires et au prochain lunch, plutôt que de ragoter ils iraient magasiner, question de rester dans la mêlée.

« Les chiens aboient, la caravane passe ». Proverbe arabe


Commettre un imper

Jade m’écrit cette note à la fin de son examen de session : « Monsieur le professeur, je vous aime bien mais votre obsession de la saint-taxe m’exorbite. » À l’encre rouge je rajoute : » Qu’essaies-tu de me communiquer exactement? Que je t’exaspère. Ne te fais pas de soucis, il n’y a pas de taxe sur ta note d’examen ».
Hugo Dumas de La Presse nous a maintes fois décrié la « lalaïsation » des participants de Loft Story. « J’m’ai dit, ça va d’être le fun » et « Y sont ta fins avec moi » n’en sont que quelques exemples.
Imaginez le Petit chaperon rouge qui s’adresse à sa grand-mère en ces termes : « Ostie de calice grand-maman quesse tu veux con fèse? » « Un bon juron ça donne le ton et un gros rire gras ça replace les chakras » disait Gérard, prof de philo au Cégep. J’en doute! Certains mots sont chargés de pouvoir, d’autres de finesse, tout comme le vêtement. Y a-t-il une corrélation entre notre langage verbal et notre langage vestimentaire? Pauvreté esthétique rime-t-elle avec médiocrité de la langue? Pas nécessairement mais l’une comme l’autre nous questionne sur un individu.

Une faute de goût est comparable à un lapsus. Un employé qui prend congé pour un rendez-vous chez sa « théra pute » fait sourire et peut semer le doute sur ses intentions. Une cravate mal assortie n’est rien de plus qu’un délit vestimentaire et ne prouve pas l’indifférence d’un homme sur son apparence.
Cependant, le raté vestimentaire ou le manque de  cohérence de notre tenue par rapport aux circonstances, aux gens que nous rencontrons et à notre environnement témoigne de notre manque de connaissance des codes et peut laisser une impression de relâchement. Qu’elle soit vestimentaire ou langagière, cette mollesse est une composante de notre image et  « on sexe pose » à des perceptions erronées de la part de nos interlocuteurs. Selon Marie-Louise Pierson, psychanalyste et auteure de nombreux livres sur l’image « Le look peut parasiter notre discours ».

Le précepte  « Soyez cool » est une arme à deux tranchants. Je parle je mange et je m’habille comme je veux, mais on m’entend, on me regarde et on m’évalue en conséquence. L’effet provoqué est-il celui  souhaité?
Aude Roy, coach en image, est formelle. « Chaque vêtement que vous portez, chaque accessoire qui vous accompagne est un mot de vous, un mot sur vous. Considérez les éléments qui composent votre image comme du vocabulaire ».

À “suire”.


À chacun sa Brenda Montgomery

Bernadette Lemoine gère les comptes-clients de son époux Béranger, notre fournisseur d’huile à chauffage à la campagne. Sachant mon plaisir à étudier des nouveaux spécimens, mes amis insistaient pour que je la rencontre. Madame Lemoine de la rue Lemoine (baptisée ainsi en l’honneur de son mari entrepreneur), est reconnue pour sa personnalité pétulante et son look atypique. Prétextant ne plus avoir de chèque pour la payer et préférant le faire en espèces, je lui téléphone. À prime abord un brin ergoteuse au bout du fil, je m’attendais à un échange plutôt froid.
La totale! Tout transpire l’exagération chez cette femme : son look, ses chats qui ne suscitent aucun élan de caresse,  la cigarette qui grille en permanence et un disque de Dalida qui joue en boucle. Par quoi commencer? Par moi-même.
Mon travail n’est pas de juger mais de m’affairer à comprendre les comportements reliés aux looks et au vêtement. Cette ambassadrice du kitch me plonge dans un questionnement. Le bon goût et le mauvais goût existent-ils? Qu’est-ce que l’esthétisme? Je ne sais plus. Si une démarche vestimentaire évolue en dose homéopathique chez certaines personnes, à l’opposé chez d’autres elle se fait à la vitesse et la force de l’ouragan Katrina.
Son assurance, plus que son allure, me déconcerte alors que sa collection d’horloges suisses desquelles s’extirpent aux deux minutes des moineaux aux coucous stridents me déconcentre. Mon œil, mes oreilles et mon cerveau sont sollicités de toute part. Ses cheveux roux frisés style afro sont repoussés et retenus vers l’arrière par une passe perlée ne faisant ainsi aucun ombrage à la quincaillerie du visage. Six anneaux traversent le lobe droit et huit faux diamants l’oreille gauche. Un chandail moulant en V aux motifs léopards exhibe une poitrine sans soutien-gorge parée de chaînes et de pendentifs en or qui s’entrecroisent. Des ongles de couleurs variées décorent ses mains baguées à  l’index, à l’auriculaire et  au pouce. Un pantalon de jogging beige stoppé par une bande élastique à la cheville s’arrête sur une chaussure en suède rose à talons hauts, plateformes incluses. Bracelets aux poignets et chaînettes aux chevilles complètent ce look d’esclave des temps modernes. Esclave ou totalement libre des références médiatiques? Déconnectée de l’univers ou au contraire entièrement centrée sur elle-même, ses goûts, ses fantaisies? Look suranné? Monumental? Air emprunté?
Quelle est la vraie nature de Bernadette? Quelqu’un frappe à la porte. Ce sont Astrid et Jouvence, ses petites-filles de onze et treize ans. La grand-maman de soixante et six ans éteint vite sa cigarette, oublie ma présence et câline les fillettes. D’un sourire bienveillant qui dégage un diamant incrusté dans une dent, elle me raccompagne à la porte, escortée par les coucous de 16 heures.
Brenda Montgomery « Du cœur a ses raisons » fait des émules.


Mode d’emploi

Déboulonner les préjugés entourant la mode n’est pas chose simple. Comment peut-il en être autrement? D’une part on glorifie le design et glamourise le fashion, d’autre part, aucun code d’éthique n’encadre la plupart des métiers satellite. Se croisent donc dans la même ville une maquilleuse, artiste du pinceau qui sait donner à un regard toute l’intensité d’un individu et une poudreuse qui n’a pour job que de camoufler avec son plumeau la brillance d’un visage. Des agences de mannequins côtoient des agences de pitounes, des kodak kids sans imagination se qualifient de photographes alors que des pros pratiquent l’art de la photo et nous offrent des chefs d’œuvre. Des maisons d’enseignement prodiguent la connaissance dans les règles de l’art, certains collèges, plus mercantiles, vendent des cours comme d’autres commerces distribuent un quelconque produit et forment des designers en série comme les petits pains d’une boulangerie.

Comme tout bon secteur économique qui investit dans des stratégies marketing, les artisans de la mode qui ont accès à ces principes de promo ont une longueur d’avance. Dans certains cas, la renommée va de pair avec les moyens. Cependant, le talent doit être au rendez-vous et un créateur de mode si populaire soit-il a comme mission de « créer » et non pas de s’agiter comme un « cheerleader » de la guenille.
Quand un représentant de la mode au vocabulaire indigent fait l’éloge d’une robe « légerte » ou d’une « belle ensemble de Nouelle » à la télé ou qu’une chroniqueuse de spectacle qui fréquente les salonnards du jet set confond élégance et quétainerie, il devient assez gênant de réclamer nos lettres de noblesse.

En quarante ans de carrière j’ai vu défiler au Québec des associations de créateurs de mode, des maisons d’enseignement spécialisées, des salons de prêt-à-porter, des concours et des galas télévisés célébrant l’industrie de la mode. Des maisons comptables de renom ont scruté  plus d’une fois la santé financière de la mode et prédit avec un dédain à peine voilé la fin éminente du milieu. Ce diagnostic  démontre bien le manque de connaissance et de compréhension de la finance à l’égard de la différence et des arts. Évidemment, au fil des ans une crise anthropologique a succédé à des crises économiques occasionnant des changements de valeurs et d’habitudes de consommation.

Mais le vêtement demeure, présent dans nos vies, nos jobs, nos rencontres. La relation au vêtement est encore un sujet orphelin au Québec et les Québécois ont l’épiderme bien mince concernant les apparences. On confond authenticité et souci de soi, fashion victim et le goût d’être à son meilleur. Pour donner un sens à nos comportements vestimentaires il faut d’abord considérer le vêtement comme un outil important à nos rapports sociaux, affectifs et professionnels et non seulement comme une fantaisie et un caprice de l’égo.
Suivre ou survivre à la mode!


Corpus Christi

« Ceci est mon corps, je vous le donne. » dit symboliquement le Christ à ses fidèles Apôtres dans la Bible. « Ceci est mon christ de corps, qu’il le reprenne » me réplique une participante inscrite à mon atelier À corps perdu. « Que de haine à l’égard de son enveloppe charnelle », me dis-je. Toutes et tous n’ont pas ce jugement  sévère à l’égard de leur corps mais les recherches sur le sujet tendent à démontrer que peu de femmes (et de moins en moins d’hommes) évaluent positivement leur physique. Le discours n’est pas récent et le phénomène abondamment documenté. Mais encore!
Collectivement ou individuellement, quels gestes poserons-nous pour ramener de la compassion à l’égard de nos corps? Y aura-t-il une fin à ce saccage? Oui, la fin du monde prévue le 21 décembre 2012 me direz-vous. Je sais, mais c’est trop loin.

À la question posée dans cet atelier : « Quelle partie de votre anatomie aimez-vous le moins? » les réponses entendues me donnent l’impression d’habiter la maison des horreurs en cette veille d’Halloween. Cou trop long (femme girafe), rotule du genou trop grosse, cuisse comme un jambon de Parme, fesse-tonneau, épaules de footballeur, nez de boxeur, main de truckeur, sans oublier les classiques : vergetures, cellulite, cheveux raides comme des rideaux de douche, bouche trop petite, lèvres trop minces, oreilles décollées….Faites votre choix.
Tenir les disgrâces du corps responsables de nos malheurs, de notre manque de confiance et de notre difficulté à se réaliser n’est-il pas une fausse raison pour détourner un malaise qui nous habite? La critique paralyse d’autant plus que l’évaluation du « body » est souvent faite à travers un prisme déformant.
Que garantissent la beauté et un corps sculpté sinon que d’être admirés et désirés. L’intelligence suscite l’admiration et la richesse symbolise la réussite. Que cherche-t-on véritablement? Quels sont nos déficits? L’amour, l’adulation, la séduction, la gloire, et quoi encore?

À ces écorchés de l’apparence physique, je suggère de miser sur leur capital. Capital-sourire, capital-empathie, capital-santé, capital-charme, leur signature humaine quoi!
Plutôt que de focaliser l’attention sur l’arbre qui cache la forêt, valorisez votre marque de commerce : votre œil inquisiteur, votre sourire complice, vos mains de déesse, vos jambes hollywoodiennes, vos lèvres soutenues, votre teint éclatant, votre voix de lectrice, votre port de tête princier. Demandez à vos amis ce qui vous distingue de la fille d’à côté.
« Un ange comme un diamant ne se fabrique pas mais se découvre. »


Conduite vestimentaire

Mon métier d’Analyste en comportements vestimentaires m’amène à observer les gens dans l’ensemble de leurs habitudes et à me pencher sur la tendance qui se dessine chez un individu. Si je compare le rapport qu’une personne entretient avec son alimentation, ses loisirs et la décoration de son habitat, il est possible de trouver le fil conducteur de ses comportements et  de l’appliquer à ses pratiques vestimentaires. L’inverse est aussi possible. Décortiquées, la relation au vêtement et la dynamique vestimentaire d’un individu nous pistent sur son rapport à la vie.
Mon travail consiste à accompagner les femmes et les hommes qui par le biais de leur relation à l’image personnelle, le corps et les looks, complètent un travail de compréhension sur eux-mêmes. Le vêtement est un outil pour s’observer, s’étudier et se révéler. Un rapport sain au vêtement ne laisse aucunement supposer un manque de critique à l’égard de la mode qui à l’instar de plusieurs domaines doit se plier aux lois du marketing pour subsister.
J’utilise dans ma pratique le jeu, le dessin, des grilles sémantiques où les mots sont à l’honneur et des exercices de symbolique. Prenons par exemple votre conduite automobile et  transposons votre comportement sur la route à vos habitudes vestimentaires.

Êtes-vous A) Un conducteur  B) Un pilote de course (même chose en vélo)?
Le pilote de course aspire à être le premier tout comme l’initiateur d’une tendance ou d’un style alors que le conducteur suit le courant dans l’ordre des choses.

Quelle est votre attitude dans la circulation dense? A) Vous suivez la file B) Vous tricotez pour vous faufiler plus rapidement par une ruelle?
A) La circulation dense représente la majorité de la population (au moins 60%). B) En utilisant les ruelles, vous sortez des sentiers connus. Appliqué à votre style, ce comportement peut témoigner de votre singularité.

Votre trajectoire est déviée vers une direction inconnue et mal indiquée de surcroît. A) C’est la panique B) Au contraire, découvrir un autre coin de la région vous enchante?
Votre réaction au changement de route non prévu peut indiquer A) Votre capacité à la nouveauté B) Votre difficulté à négocier le changement en matière de tendance et de mode.

En cherchant un espace de stationnement A) Vous vous glissez dans la première place disponible B) Vous espérez que l’emplacement parfait se présente par magie au risque de vous retrouvez dans un stationnement municipal à quatre fois le prix?
Le stationnement ressemble étrangement au shopping. A) Flairer la bonne affaire et acheter maintenant B) Hésiter en souhaitant trouver mieux ou pis encore angoisser à l’idée de ne rien trouver du tout.

Sceptiques? Vous avez raison, surtout si vous ne conduisez pas! Mon but n’est pas de convaincre les personnalités suspicieuses mais d’amener les gens à réaliser que les vêtements, les tenues et les looks s’inscrivent dans une suite logique des nos comportements.