« Miroir, que faire? »

Vous commenciez enfin à vous habituer à vos robes soleil, les bras et les épaules dégarnis, aux pantalons courts, aux sandales, aux cheveux dans le vent. Sournoisement, Miss météo, messagère des bonnes et moins bonnes nouvelles, prévoit du gel au sol la nuit prochaine. Fin de la récréation.

« Était-ce hier ou la semaine dernière? » vous demandez-vous.
– « Mais non, c’était l’an passé », réplique la petite voix assassine qui s’élève chaque automne.

Un an déjà, six mois, voire trois pour certains d’entre nous, que la sempiternelle question est réapparue : « Miroir, qu’est-ce que je vais faire? »

Flanqué devant la glace, presqu’immobile, seul votre œil dubitatif s’agite et vous transmet les doutes sur votre morphologie, vos angoisses même.

«Depuis un an, mon corps a allongé. Impossible! On dirait plutôt que j’ai rétréci.»

« Ma peau? Plus flasque? Mes yeux? Plus cernés?»

«Ciel, comment vais-je me vêtir cet automne, cet hiver, et à -40 en février?»,

Biorythmie, questionnement saisonnier, déprime de fin d’été? Quelles sont les causes de ce derby de démolition devant votre image corporelle et cette vision délétère de votre image visuelle? Qui des deux s’est pointé le premier, l’œuf ou la poule? Le corps ou le vêtement? Vases communicants, transferts et contre transferts d’émotions et de sentiments. Cessez vos cris d’orfraie et retrouvez vos marques. Entre seigneurs d’élégance et nymphettes, où vous situez-vous? Comment résilier son bail avec l’image déformée de soi? Comme l’écrivait Benoîte Groult, il faut « Inventer de nouveaux comportements ».

Questions : Afin de diagnostiquer votre état d’esprit avant d’entreprendre une démarche vestimentaire pour la nouvelle saison.

1. Quel est selon vous, l’élément déclencheur de vos questionnements (en rapport à vos choix vestimentaires) ?

2. Quel est le point fort de votre personnalité sur lequel vous pouvez miser pour construire ou valoriser votre allure, spécialement pour un changement de saison?

J’attends avec impatience vos commentaires, vos histoires et vos suggestions.


SOMMES-NOUS LES PATÈRES DE NOTRE HISTOIRE ?

Rémi et Marie-Hélène sont amis depuis la petite enfance. Les parents de Marie-Hélène l’encourageaient à se démarquer tant par ses opinions que par son style vestimentaire. Ils lui ont toujours interdit le port d’un uniforme scolaire qui la rendrait trop anonyme et qui occulterait sa personnalité. Rémi l’enviait de jouir d’autant de liberté. Chez lui, le mot d’ordre était l’anonymat, le respect de la norme et se glisser dans le moule social. En optant pour un style lisse donnant une fausse impression de vertu, ses parents croyaient se mériter le respect des voisins et ainsi éviter les jugements. Toute une prescription que celle de sauver la face, sauver l’honneur et avoir une identité toute fabriquée. Ne pas faire de vagues chez l’un, créer un tsunami chez l’autre.
Nous portons nos racines. Est-ce un élément important à notre équation vestimentaire? J’en suis convaincu. Jeanine se prive de porter du rouge parce que sa mère et ses tantes l’interdisaient. Micheline opte pour le pantalon au travail parce que la robe est le symbole de l’instrumentalisation de la femme et cela risque de la discréditer auprès de ses collègues. Martine arbore avec classe ses grands chapeaux hollywoodiens et ses verres fumés à la Jeanne Moreau. Sa grand-mère et elle se déguisaient pour un tout et un rien.

La compréhension de nos mécanismes est une étape cruciale pour expérimenter le changement vestimentaire. Cela implique de revisiter notre histoire, la source de nos habitudes, et ce qu’elles masquent. Relier, rattacher les fils qui nous unissent dans l’ensemble de nos actions, incluant se vêtir. Franchir des étapes qui n’ont jamais été faites afin de dénouer nos résistances et balayer les fausses croyances relatives à notre image. En entreprenant un travail d’archéologie personnelle sur ce sujet, vous constaterez comment certaines de vos habitudes vestimentaires sont le produit de la famille, d’un groupe ou de la société même.

Dans l’ensemble de votre histoire, considérez-vous que vos origines ont contribué à installer des bases solides ou au contraire ont-elles saboté votre rapport au vêtement? Quels sont vos doux souvenirs ou encore vos expériences moins heureuses dans votre éducation vestimentaire?


LES MATINS DU TRICÉPHALE

Enfin, je me suis déniché un blue-jean pour mon rendez-vous informel de demain, question de marier un peu de laisser-aller à mon allure parfois austère. Comme à tous les matins, après le petit-dej, j’attaque la penderie, heureux de savoir qu’aujourd’hui ma tenue est déjà planifiée. J’enfile mon jean, mon chemisier et mon veston de saison, bingo! Un regard de vérification dans la glace et le tour est joué.
Immobile, incrédule, cela me déplaît, alors qu’hier, en magasin, la partie était gagnée. Mon indécision ne tient donc pas du visuel. Serait-ce mon image corporelle, alors? C’est un gabarit de lutin qui se reflète dans le miroir. Mon dos est courbé, ma tête, légèrement inclinée. Pourquoi cette posture de pataud, soudainement?  Je sais, la vraie question devrait être «comment je me sens?» et non «de quoi ai-je l’air?». Le curseur n’est pas mis à la bonne place.

Le tricéphale
L’image sensorielle est la troisième tête du tricéphale. Elle lutte pour sa place entre les deux autres têtes, l’image visuelle et l’image corporelle. Une tenue vestimentaire peut aller à l’encontre de notre senti, aujourd’hui, et parfaitement habiller cette autre peau, demain. Pas étonnant qu’on quitte la maison certains jours en conflit avec notre humeur du moment. Pour être bien «dans sa peau», la couvrir, la parer, il est primordial de l’écouter. À moins que vous souhaitiez vous déguiser et étouffer cette sensation matinale. Le vêtement contribue aussi à cela.

« Si notre humeur influence nos tenues, le tissu influence nos pensées. Quels qu’ils soient, les vêtements éveillent en nous des comportements qui sommeillent. Si je porte du fluide et du flou, cela va réveiller en moi la souplesse, la légèreté. Si j’enfile un vêtement sévère, c’est ma rigidité qui s’éveille alors. Le vêtement fait vivre tour à tour des parties de nous-mêmes ». Aline Dagut, École parisienne de la Gestalt.

Alors? Et vous?

Puisque vous avez été nombreux à vous prêter au jeu de mon dernier billet, en voici un autre pour vous aujourd’hui.

Question : Ce matin, quelle partie ensommeillée de vous, votre tenue vestimentaire a-t-elle réveillée?

J’attends vos réponses! Je vous répondrai ou commenterai vos messages avec beaucoup d’intérêt. En laissant votre commentaire, assurez-vous de cocher la case qui vous permettra d’être avisés des autres commentaires; ainsi, vous ne raterez rien des échanges à venir!
Note du Spa Eastman : Luc Breton est analyste en comportements vestimentaires. La base de son travail consiste à explorer avec un individu ou un groupe, le sens profond des habitudes vestimentaires et ainsi établir le lien entre l’image, l’estime, le corps et les choix de looks. Formé en relation d’aide, il souhaite nous aider à mieux comprendre comment le vêtement doit être à notre service, comme outil de communication et de connaissance de nous-même. Parce que nous considérons que ce savoir peut contribuer à notre mieux-être et à l’amélioration de notre qualité de vie, nous avons choisi d’inviter Luc à animer des ateliers sur les comportements vestimentaires, dans le cadre des week-ends thématiques du Spa Eastman.


Vêtement, dis-moi…

La tendance lourde dans les médias actuels concerne le culinaire et non le vestimentaire. Si on  consacrait autant de temps à expliquer le rapport que nous entretenons à la garde-robe qu’au garde-manger, la plupart d’entre nous serions moins démunis devant cette question universelle : «Qu’ai-je donc l’air?» ou encore : «De quoi aimerais-je avoir l’air?» Pas surprenant qu’avec une telle carence en éducation vestimentaire (le rapport au vêtement et non à la mode), nous soyons souvent incertains quant à nos choix de tenues. S’entremêlent alors plusieurs éléments : notre âge (trop vieux), notre morphologie (trop gros), notre profession (trop rigide), notre budget (trop cher), sans oublier le regard et la peur du jugement de nos pairs.

Les deux affirmations récurrentes venant de mes clientes sont : «Je ne trouve rien dans les magasins» et «Je n’ai rien à me mettre sur le dos». À quoi riment nos insatisfactions? Quel message voulons-nous transmettre aux autres? Que nous sommes en lien avec nous-mêmes, bien dans notre peau, que nous privilégions l’être plutôt que le paraître, que nous sommes conciliants tout en étant professionnels? Grosse commande!

Quand je demande aux participantes de mes ateliers: «Quelle image aimeriez-vous projeter?», trois mots retentissent à l’unisson: décontractée, naturelle, authentique. Ces termes représentent parfaitement l’air du temps. Est-ce donc dire que nous magasinons des états d’âme et non des vêtements dans les boutiques? Un vêtement en soi, ne veut rien dire. Nous devons l’habiter, lui donner forme. Cela ne se trouve pas en magasin.

Voici un truc. Comme je l’ai fait dans le tableau suivant avec les trois mots cités précédemment, trouvez ceux que vous employez pour décrire votre image et essayez de voir s’il s’agit d’un look, d’une attitude ou d’un message.

LOOK    ATTITUDE    MESSAGE
____________________________________
naturelle    décontractée    authentique

Je vous suggère en lecture, un bouquin écrit sous la direction de deux chercheurs québécois : Mariette Julien et Michel Dion : «Éthique de la mode féminine», Presses universitaires de France, 2010.