Certains films, à l’instar des tendances de la mode, refont surface, adaptés au goût du jour. Le « remake » en 3D de La guerre des tuques en est un bel exemple. Réalisée en 1984 par André Melançon, cette production rejoint aujourd’hui un nouveau public et quelques nostalgiques de l’interprétation originale, 31 ans plus tard. L’essence du film est préservée malgré cette version améliorée.
Nos tenues vestimentaires sont-elles aussi un « remake », version plus moderne et actuelle de nos habitudes en matière d’habillement? Avons-nous tendance à répéter le même scénario faisant fi de notre âge, de notre morphologie et de nos occupations sociales et professionnelles? Notre pattern est-il de perpétuer un style de coiffure, une couleur, une forme de lunettes, un kit tellement exploité qu’il est devenu notre marque de commerce, notre étiquette? Par exemple, ces femmes qui portent, bon gré mal gré, une écharpe au cou. Artifice décliné dans différentes couleurs et étoffes, parfois sobres, souvent trop « ethnique » et qui accessoirise leur pull, leur chemisier, leur veston. Parlez-en à Pauline Marois. Et que dire de ces hommes à la chemise bleue, bleu pâle, bleu marin, bleu délavé, bleu indigo ou encore à la cravate trop large à motifs douteux, suspendue à un nœud pré-fait et démesurément bombé, en huit copies.
Se cantonner dans un style vestimentaire est une pratique insidieuse qui peut entraîner une résistance aux changements, laissant sous-entendre que la nouveauté nous effraie, que le passé est préférable au présent. Ce comportement, généralisé à divers domaines de notre vie, peut engendrer « la pensée en kit », pour paraphraser Marie-France Bazzo. « L’habitude commence comme un fil de soie et devient vite un câble d’acier » – anonyme.
À l’opposé, on retrouve un autre groupe de consommateurs pour qui le changement est synonyme d’avancement. Des gens qui s’enivrent aux conseils des grands de la cuisine, des coachs de vie, des relookeurs, des icônes de la décoration, des spécialistes en comportement canin et gourous de toutes sortes. S’agit-il de gens estropiés, de grands blessés de l’apparence, des concepts marketing, apeurés à l’idée de se tromper et de ne pas être à la hauteur? « M’aimera-t-on davantage si je suis «ze best»? Pas de chance à prendre. »
Au champ droit, cette pression sociale ambiante où le contrôle de son corps, de son image et de son alimentation est nettement obsessif et où souscrire aux idéaux de beauté, de succès, de réussite et de performance est un puit sans fond. Au champ gauche, cette idéologie du « Je me choisis ». Puisque toute chose attire son contraire, faut-il se surprendre de la poussée des écoles de yoga, des centres de méditation et de la grande variété de formations axées sur la quête du bien-être qui, par effet de balancier, tentent d’apporter un équilibre dans la société. Ce mouvement vers soi propose aux gens d’arrêter de s’éloigner de qui ils sont, de se désincarner.
Mais la réalité est tout autre. Matraqués par les avis des pros et les commentaires de certains idiots sur les réseaux sociaux, quelle place occupent nos choix personnels? Nous éloignons-nous de notre nature profonde? Comment se positionner entre « has been » et « would be », caduc et résolument moderne, haute en couleurs et out en couleurs? À consulter tout un chacun, on oublie de se fier à soi et il devient difficile de valider nos choix sans gangrener notre estime ou notre confiance.
Cela démontre bien à quel point se vêtir n’est pas un geste banal et que le regard de l’autre peut créer de l’insécurité. Étrange que nous devions nous habiller tous les jours de notre vie et que si peu d’informations concernant notre rapport au vêtement soient disponibles. Cette connaissance succincte de nos comportements vestimentaires ne peut qu’alimenter le doute sur notre signature et identité vestimentaires et explique pourquoi il est « naturel » de se méjuger sur son style. Où commence la quête et où s’arrête l’insatisfaction?
Les hommes et les femmes ont-ils la même dynamique face à ce phénomène des habitudes reliées au vêtement? Si on établit un lien entre vestimentaire et culinaire, cet article nous offre une partie de la réponse : « La majorité des hommes (54 %) jugent « facile » d’améliorer leurs habitudes alimentaires, contre 45 % des femmes. Plus précisément, 13 % des messieurs estiment que c’est « très facile », contre 8 % des dames. Les hommes sont plus tournés vers le plaisir et les femmes, vers le « Mange ce que dois » – Marie Allard, La Presse +, dimanche 22 novembre 2015.
« La guerre, la guerre, c’est pas une raison pour se faire mal » peut-on entendre dans le film « La guerre des tuques ». J’ajouterais que « Les trucs, les trucs, c’est bon pour le moral, mais…»
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