Muguette n’est pas une fillette et pourtant elle véhicule dans sa gestuelle et dans ses tenues un air de gamine, de jeune écolière. Son père, Eugène, grand admirateur du Frère Marie-Victorin et jardinier en chef du cimetière municipal donna comme prénom à ses cinq filles Fleur-Ange, Muguette, Violette, Rose et Marguerite Lafleur. À l’adolescence, les sœurs Lafleur furent un bon sujet de taquinerie de la part des garçons. « Veux-tu mon pollen? »; « Tu manques d’eau mon bouquet ». C’est ainsi que Marguerite devint Margot, Fleur-Ange modifia son nom pour celui de Marie-Ange et Violette qui épousa un anglophone opta pour Vi. Rose, la moins emmerdée du groupe par cette gymnastique linguistique des noms et des prénoms continua avec fierté de s’appeler Rose et Muguette par respect pour ses origines s’obstina à garder le sien.
Tristement, malgré son prénom particulier, Muguette conserva aussi des manies vestimentaires du passé. J’ai longtemps observé chez cette femme l’incohérence entre son âge et son apparence. Que camouflait ce look chargé de sous-entendu?
Mon travail d’analyste en comportements vestimentaires (ACV) consiste à mettre en lumière la face cachée des tenues et non d’en faire le bilan au sens esthétique. Toute une armée de relookeurs et de stylistes se charge de cet aspect. Les goûts ne sont pas à discuter mais à expliquer. Le relookeur métamorphose et maquille une silhouette alors que le styliste met de l’avant la personnalité et l’âme d’une personne. Le relookeur agit, le styliste interagit, d’où l’importance de l’observation des comportements humains.
Aux funérailles d’Eugène qui avait épousé en secondes noces la sœur de mon père je trouvai enfin ma réponse concernant Muguette Lafleur. Invité chez la veuve à partager le buffet après la messe, je m’amusai à regarder les photos de famille qui tapissaient les murs. Sur tous les clichés, de l’âge de 4 ans à aujourd’hui, Muguette arborait la même coiffure, coupe enfantine où le toupet carré garde la marque du rouleau, nuque rasée, oreille dégagée et ultra volume aux tempes. Même la couleur angélique de ses cheveux est identique encore aujourd’hui. Ces éléments nous démontrent sa résistance à entrer dans le monde des adultes, la négation de quelque chose.
Loin d’être mal fagotée, cette fillette de 56 ans nous informe sur sa vision romancée de la vie avec ses robes fleuries à la Laura Ashley et son style à la Émilie Bordeleau version 2009. En revêtant l’uniforme « Je me souviens », Muguette crois afficher des valeurs plus sincères et authentiques que ses contemporains emportés par le courant de l’air du temps. Le fait-elle par condescendance pour snober la mode ou par prudence pour calmer ses angoisses face au changement?
Morale : si une hirondelle ne fait pas le printemps, du moins un styliste peu rattraper le temps.
Luc Breton rencontre individuellement ceux et celles qui veulent clarifier leur rapport au vêtement et comprendre leurs choix vestimentaires. Ces tête-à-tête sont tout désignés avant d’entreprendre une démarche avec les stylistes et les spécialistes de l’image. Ces rencontres se veulent une réflexion sur les habitudes vestimentaires.
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