Depuis la fin des classes j’accompagne mon neveu de 16 ans dans différents tournois de soccer et nos journées se terminent presque toujours sur une terrasse. Étrangement, l’humeur de dame Nature est souvent synchronisée à celle de l’ado. Installés devant notre sempiternel club sandwich, je l’initie à l’observation des piétons et à la lecture vestimentaire des passants. Interdiction de porter de jugement sur les styles même si parfois la tentation est forte. Genre!
Les éléments à considérer : l’âge, le sexe, la morphologie, la posture, la démarche, l’attitude, le niveau de légèreté ou de sérénité de la personne et évidemment le secteur où tout cela se joue. L’interprétation d’un ado et sa gestion de toutes ces données m’intéresse au plus haut point. Genre! Notre première cible : la rue Ste-Catherine dans le Village, piétonnière pour la saison estivale.
Une famille s’est installée à la table voisine de la nôtre. Le papa et la maman d’un côté, le garçon et la fille de l’autre. Une sortie éducative pour expliquer aux enfants les mystères de la vie. La mère mène le bal et avertit sa progéniture de se retourner quand des cas suspects déambulent. Nos regards se croisent, elle m’épie. Je me suis fais prendre à mon propre jeu et je la perçois mal à l’aise de me voir avec mon jeune joueur de soccer. Suis-je le père, le mon oncle cochon, un sugar daddy, le conjoint de sa mère ou pis encore l’amant de son propre père? Son mari qu’elle a sommé de les accompagner est catastrophé et se souhaiterait téléporté à la Cage aux sports.
Dimanche, 19 heures, deux clientèles à décrypter : les passants qui paradent et les voyeurs, attablés sous les auvents, feignant de ne pas remarquer toute cette diversité. Des hommes, majoritairement, 30% de femmes et 10% d’une espèce impossible à déterminer, ni chair, ni poisson.
Un catalogue de corps
Des corps bien carrossés et bronzés certes mais en moins grand nombre que la légende urbaine le laisse croire. Des ventres ronds, des très ronds, des plats, des têtes grises, chauves, mauves, des barbes, des barbichettes, des favoris à la Elvis, des imberbes. Des piercings et des tatous surtout. Le corps utilisé comme canevas pour véhiculer un message, une appartenance. La norme inscrite dans le corps.
Profil vestimentaire
La plupart des marcheurs portent des vêtements au goût du jour, flairant l’air du temps : chapeau funky, lunettes stylées, rien d’extravagant dans les circonstances si ce ne sont les poses que chacun se donne pour exprimer sa couleur personnelle. 30% ne sont pas lookés mais costumés. Devant nous ce couple d’hommes. Un porte un kilt noir trop ajusté et bottes de lumber jack, l’autre se pavane en pantalons jupe rouges brodés de flammes jaunes jusqu’aux cuisses. Signe d’affranchissement personnel ou débordement vestimentaire? Un autre homme, lui, a retrouvé la perruque de Patrick Normand et s’exhibe avec ses bottillons vernis bleu poudre. Où a-t-il dégoté ses accessoires? Une quinquagénaire personnifie Janis Joplin. Elle porte son look comme une écorce. Habiterait-elle la Nouvelle Écorce? Quel personnage se cache derrière un style? Quelle personnalité peut-on reconnaître à travers un look? Quelles motivations poussent un individu à se vêtir hors contexte? Une religieuse missionnaire à la Mère Teresa va droit son chemin et traverse cette faune. Sceptiques, on se demande tous si elle joue un jeu elle aussi. Qui dit vrai? Je ne suis pas un ténor du bon goût mais soudainement j’ai le mal de mode sur les flots du paraître.
Que nous soyons en quête d’identité vestimentaire ou quétaine avec un grand Q, « Le style, cela n’a de sens que si c’est le vôtre. » Versace