Hollywood, Florida, le 3 mars 1978.
Mon vol avec Dollorama Airways accuse un retard de plusieurs heures et nous atterrissons de nuit. En sortant de l’aérogare, rien à voir, tout se joue dans la sensation. L’odeur et la pression de l’humidité m’écrasent. Au réveil, vite, vite, à la mer! Dos à la plage, je fixe l’horizon et me laisse caresser par la vaguette. Mon épiderme asséché de nordique crie de joie.
Je retourne sur mes pas et vlan! Mon père m’attend, appuyé sur ma chaise paquebot, entouré de ses amis et les amis de ses amis. Ils ont tous, sans exception, adhéré au look du snowbird québécois en vacance. J’hyper ventile! Ils se confondent aux nombreuses mouettes postées sur le sable, gros ventres, p’tites pattes. Le code vestimentaire est simple : bermudas montés jusqu’aux pectoraux, chaussures blanches et bas noirs ou bas blancs et sandales noires, gourmettes, chaînes de cou, bagues et montres plaquées or. Le soleil, complice, se réfléchit sur toute cette quincaillerie.
Montréal, 27 février 2009.
30 ans plus tard, notre Robin des bas des temps modernes sait-il qu’il est inutile d’attirer le regard sur ses chevilles avec des bas blancs ou mal coordonnés. Dans une lecture vestimentaire, la cheville a peu à dire. On se demande pourquoi l’homme québécois est en quête identitaire. S’il existe vraiment un lien entre la recherche du moi et le souci de l’apparence, notre mâle a évolué dans un épais brouillard. Aujourd’hui encore, il est généralement moins expérimenté que la femme dans la mathématique des proportions, l’ingénierie des styles et la subtilité du langage vestimentaire, il avance à tâtons et se manifeste timidement. Pour plusieurs, tout cela demeure aussi mystérieux que l’effet des phéromones.
Bien que novice dans la dynamique des looks, il se doute bien d’instinct qu’une lecture est faite de son apparence et souhaite, à travers ses tenues, faire vrai gars cool, ouvert aux exigences des filles, affable, protecteur et responsable. Évidemment, faire authentique, la tendance comportementale de l’heure, n’y échappe pas.
L’homme émerge aujourd’hui d’un siècle de renoncement à la coquetterie et se voit confronté lui aussi à l’impact de l’image. Le look, l’attitude corporelle et les comportements vestimentaires doivent s’intégrer aux différents volets de sa vie à la vitesse grand V, comme s’il fallait reprendre le temps perdu. L’homme révélé doit apprendre à négocier avec le corps, la beauté, la virilité, la compétition et la pression sociale de l’âge. Faire jeune suppose être de son temps, moderne, ouvert à la nouveauté et cela est manifestement rendu visible par le support du vêtement.
Bonne nouvelle, les comportements vestimentaires, au même titre que les comportements culinaires, amoureux ou sociaux, se peaufinent avec la pratique.