Quand on m’a invité à parler d’hypersexualisation devant des groupes d’étudiants de secondaire V, mon premier réflexe a été de trouver l’angle de ma causerie pour que cette armada d’hormones ne se sente pas culpabilisée par le phénomène et montrée du doigt.
Suffisamment de gens le font en ce moment et s’accusent mutuellement de la place que prend le sexe dans la société. Véritable foire d’empoigne où les concernés ne semblent pas conviés au débat.
D’entrée de jeu je leur précise que nous jugeons et sommes jugés sur les apparences, que cela leur plaise ou non et que c’est probablement ce qu’ils ont fait dans les premières secondes où ils m’ont aperçu au bureau du maître
Réactions immédiates et vives. Certains gars ronchonnent. Plusieurs filles sont murées dans le silence, médusées à l’idée que je puisse les citer en exemple.
La salle se réchauffe. Ma stratégie est de jouer la carte des apparences. J’enlève ma veste, dénoue ma cravate, enlève mes boutons de manchette, roule mes manches et pose mes grosses lunettes d’écaille sur le bureau. D’une attitude de fermeture causée par ma tenue rempart, je passe à un signe d’ouverture, de transparence. Ainsi en est-il des messages d’érotisation, de sexualisation et davantage d’hypersexualisation. Quelles interprétations fait-on des looks de ces jeunes ?
Surgissent alors les questions. Nadia, qui de toute évidence souffre d’une estime de soi écornée, brise la glace et me demande une lecture de sa tenue. Elle est tellement saucissonnée dans ses vêtements que j’imagine des pinces de désincarcération pour les enlever. Natasha, elle, suit la mode avec son corps : tatoo, percing et une congère de mascara aux cils. Fred arbore un look qui relève de l’ingénierie vestimentaire et se cache derrière un humour caustique. Avec leurs tenues et leurs attitudes ils expriment leurs humeurs, leurs façons d’être au monde et me pistent sur leurs identités et leurs personnalités. Mon but est de les amener à comprendre la force du message qu’ils envoient avec leur tenue vestimentaire et de prendre conscience de la lecture qui en est faite par les observateurs.
La question qui gèle : votre look est un choix conscient ou un conditionnement? La question qui défrise : vous suivez la mode ou vous suivez les autres? La question qui embête : quelle sera votre première chirurgie esthétique? Celle qui glace : aurez-vous une chirurgie intime?