L’habit dit, le moine agit. Le moine pense, l’habit traduit.

Robaire Fortin, notre deuxième voisin de la gauche à la campagne se démarquait des autres gars du village par son sérieux. Le yéyé, le gogo et les Beatles semblaient lui avoir échappé; le cannabis, l’acide et la bière n’avaient aucune emprise sur sa volonté. Mon père qui pestait contre le look baroudeur de mes frères le citait souvent en exemple et admirait son sens de l’entrepreneurship. Propre, distingué, le corps droit, travailleur acharné, il fût le premier de son groupe à s’acheter une voiture neuve à 18 ans. Un samedi après-midi, alors que le lascar astiquait son bolide pour mieux impressionner les mères de ses soupirantes, les policiers vinrent le cueillir. Fraude, complot, papiers falsifiés. Direct en tôle!

Aujourd’hui il s’appellerait Vingt cennes Lacroix, Conrad Black, Jocelyn Dupuis de la FTQ, Bernard Madoff. Il représenterait Enron, Norbourg, ou Martha Stewart. Son slogan « Venez à moi petits épargnants » identifierait sa publicité dans les journaux. En conférence de presse, alignés comme les apôtres de la Dernière Cène autour du Christ, ses conseillers simuleraient un faux repentir, placides, engoncés dans leurs complets sombres et fardant la vérité.
La société étiquette les professions. Le complet pour les affaires, le t-shirt et les jeans pour les créateurs, le look Bobo pour les architectes et le multimédia, le sarrau blanc pour le médecin et le veston à pattes d’épaules et boutons dorés pour le commandant de bord. Chacun prend sa place et joue son rôle. L’artiste souffre d’anorexie financière et lui accorder un prêt est périlleux; les architectes transpirent le design et vivent dans un environnement grandiloquent, les philosophes, sociologues et politologues sont au-dessus du paraître et se réfugient sous une couche de vernis intellectuel, les gens de la mode, ces êtres aux egos hypertrophiés ne sont ni politisés ni connectés sur la réalité. Heureusement qu’il reste les gestionnaires, crédibles, rassurants, sans dérapage vestimentaire. Les curés de la finance inspirent confiance. Pourtant,  « C’est seulement lorsque la vague se retire que l’on découvre qui se baignait nu ». Warren Buffet.

Parler des apparences est hasardeux. Nous sommes tous pris au piège du jugement et des préjugés. Être jugé nous horripile et nous agresse. Juger les autres nous culpabilise, nous gêne, nous déçoit. Ne pas se fier aux apparences est un vœu pieux. Depuis que vous êtes dans le métro ce matin, quels types de commentaires vous ont traversé l’esprit sur les autres utilisateurs? Élogieux? Peu flatteurs? Exacerbés? Ces réflexions rehaussent-elles votre estime? Cachent-elles un peu de jalousie? N’aimerait-on pas être à la fois comptable et créatif? Artiste et crédible? Médecin et boute en train? Bobo et cabotin? Mais comment peut-on alors, prisonnier d’un look ou engagé dans un code vestimentaire, transmettre notre moi profond? « Avoir l’air de » n’est-il pas à la fois la question et la réponse?

 


Image 101

Les bouquins sur l’Image sont légion : Comment valoriser son Image, l’Image de soi, Apprendre à aimer son image, l’image corporative, corporelle, personnelle, visuelle, sensorielle etc. Et que dire de tous ces coachs, gourous de la communication et faiseurs d’image qui nous proposent des théories et des pistes sur le sujet.

Ciel! Par où commencer? Par le commencement, dirait ma mentor. Pour faire la paix avec son Image et avant d’en finir avec ce thème, il faut d’abord comprendre vos origines.  Cela suppose un retour sur votre histoire personnelle, votre éducation et votre culture. Dans votre enfance, aviez-vous le rôle de la princesse chérie et adulée de papa, celui du sans dessein de service de la soeur aînée ou celui du souffre-douleur du voisin? Quelle perception de vous-même avez-vous enregistrée à la suite de certains évènements?

Comment se manifestaient les projets de vie de vos parents? Par la performance, la réussite, en étant les meilleurs ou au contraire, en faisant le moins de vagues possible, en s’effaçant pour ne pas être remarqués et encore moins être montrés du doigt. Le p’tit pain, quoi!
Dans votre milieu, le vêtement et l’apparence étaient-ils un support à l’ambition des gens ou était-ce un sujet tabou? De là peut-être la naissance de vos résistances et de vos croyances bonnes ou fausses quant à votre image.

Mais aujourd’hui, comment vous sentez-vous, ici, maintenant, en lisant mon article?
1. Au diable les apparences! Vous n’avez aucun intérêt pour votre image, les gens n’ont qu’à vous aimer comme vous êtes!
2. Vous êtes impeccable, parfait  sur toute la ligne, un tantinet obsédé. Le rapport à son image dans ces deux cas est déficient. Manque d’amour de soi d’un côté (Je n’en vaux pas la peine) et manque de confiance en soi dans l’autre (en étant irréprochable, full contrôle, j’apaise mon anxiété). Entre ces deux extrêmes, il y a vous, moi, vos collègues. Nous sommes porteurs jusqu’à un certain point de ces deux limites. Qui aime vraiment son image? Peu de gens. Êtes-vous bienveillants et indulgents à vos yeux ou plutôt critiques et sévères? Dans quelles situations de votre vie la perception de vous-même a-t-elle le plus de répercussions? Pour rencontrer un amoureux? Pour vous faire de nouveaux amis? En pratiquant les sports, dans les réunions de famille, dans les soirées mondaines? Et le bureau? Promotion, compétition et rétrogradation sont si vite arrivées.
Puisque votre rêve ultime est d’aimer votre image tout en étant vous-mêmes, voici quelques trucs avant d’entreprendre une démarche sur l’image.
1. En définir les raisons profondes (qu’est-ce que cela changera dans votre vie).
2. Viser le possible (et non l’impossible).
3. Évaluer l’importance du regard des autres à votre égard. Êtes-vous DARA (dépendant au regard des autres) ou simplement soucieux de votre image comme les LOA (libéré de l’opinion des autres)?
4. Vous inscrire à mon atelier Pour en finir avec l’Image offert en octobre prochain.


Le string d’Éros

Quand on m’a invité à parler d’hypersexualisation devant des groupes d’étudiants de secondaire V, mon premier réflexe a été de trouver l’angle de ma causerie  pour que cette armada d’hormones ne se sente pas culpabilisée par le phénomène et montrée du doigt.
Suffisamment de gens le font en ce moment et s’accusent mutuellement de la place que prend le sexe dans la société. Véritable foire d’empoigne où les concernés ne semblent pas conviés au débat.
D’entrée de jeu je leur précise que nous jugeons et sommes jugés sur les apparences, que cela leur plaise ou non et que c’est probablement ce qu’ils ont fait dans les premières secondes où ils m’ont aperçu au bureau du maître
Réactions immédiates et vives. Certains gars ronchonnent. Plusieurs filles sont murées dans le silence, médusées à l’idée que je puisse les citer en exemple.
La salle se réchauffe. Ma stratégie est de jouer la carte des apparences. J’enlève ma veste, dénoue ma cravate, enlève mes boutons de manchette, roule mes manches et pose mes grosses lunettes d’écaille sur le bureau. D’une attitude de fermeture causée par ma tenue rempart, je passe à un signe d’ouverture, de transparence. Ainsi en est-il des messages d’érotisation, de sexualisation et davantage d’hypersexualisation. Quelles interprétations fait-on des looks de ces jeunes ?
Surgissent alors les questions. Nadia, qui de toute évidence souffre d’une estime de soi écornée, brise la glace et me demande une lecture de sa tenue. Elle est tellement saucissonnée dans ses vêtements que j’imagine des pinces de désincarcération pour les enlever. Natasha, elle, suit la mode avec son corps : tatoo, percing et une congère de mascara aux cils. Fred arbore un look qui relève de l’ingénierie vestimentaire et se cache derrière un humour caustique. Avec leurs tenues et leurs attitudes ils expriment leurs humeurs, leurs façons d’être au monde et me pistent sur leurs identités et leurs personnalités. Mon but est de les amener à comprendre la force du message qu’ils envoient avec leur tenue vestimentaire et de prendre conscience de la lecture qui en est faite par les observateurs.
La question qui gèle : votre look est un choix conscient ou un conditionnement? La question qui défrise : vous suivez la mode ou vous suivez les autres? La question qui embête : quelle sera votre première chirurgie esthétique? Celle qui glace : aurez-vous une chirurgie intime?