Exaspérée par le froid sibérien qui la confine à la maison, Fabienne LeGros se lève de table, dénoue son tablier et comme si l’archange Gabriel venait de la piquer, invite son mari à la suivre. « Viens, Damien, on va aller faire un p’tit tour au village ». Elle en profitera pour faire ses courses et dénicher un p’tit cadeau pour sa belle-sœur qui lui a rendu un p’tit service. Petit budget oblige, elle ira au petit magasin de la rue Principale.
Damien Petit, le mari accompagnateur, ira pendant ce temps acheter du p’tit bois d’allumage pour le foyer et retrouvera ensuite ses amis qui sirotent un p’tit café au restaurant « Le petit Paris » en attendant leurs femmes eux aussi.
Mauvaise nouvelle, la charmante serveuse Émilie qui connaît si bien les caprices de ses clients, quitte son emploi. Elle s’est trouvé une grosse job avec un gros salaire. Elle n’est pas grosse dans ses petits souliers, parce qu’en ville, elle devra croiser le fer avec de grosses pointures.
Pendant que ses clients admirateurs essaient d’imaginer qui la remplacera, Fabienne LeGros entre en coup de vent dans le resto et s’adresse directement à son homme, négligeant de saluer le groupe. « Damien, as-tu nourri le P’tit Menou avant de partir? ». « Parle-moi pas de manger, j’ai une p’tite fringale » lui répond du tac au tac son chauffeur privé. La ruse est bonne, Damien, jeune baby boomer fringant à la testostérone bien active, veut profiter le plus possible de la présence de la belle Émilie à la chevelure couleur feu. Depuis qu’ils ont entreposé leurs motos pour l’hiver, le couple LeGros-Petit est en manque d’adrénaline et d’inspiration affective.
Mais la jeune femme a la tête ailleurs. Elle profite de sa dernière semaine de boulot pour expérimenter des looks et faire des tests de coordonnées vestimentaires devant public. Exit les jeans et les pulls déformants. Au rencart l’abondante coiffure bouclée qui nécessite temps, produits et entretien.
Elle tente une petite frange sur le front, ce qui symboliquement traduit une certaine gêne et opte pour un maquillage moins subtil, du vernis à ongles tendance, un chemisier échancré, une jupe fuselée décorée de sa grosse ceinture griffée et le tout bien groundé dans ses belles petites bottes Richelieu. Vendredi, pour ses adieux, elle portera sa p’tite robe noire qui la met tant en valeur et lui confère un air taquin à la Audrey Tautou. Elle en profitera pour souligner son cou sans ride de son p’tit collier de fausses perles offert comme cadeau de gratitude par Marianne sa patronne, tapie derrière le comptoir et qui réprime une grimace devant tant de changement.
Morale de cette histoire : le look des uns fait le bonheur des autres.
« Un autre p’tit café monsieur Petit ? »
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